(Voir ici pour retrouver les épisodes précédents et remonter le fil du temps)
Le vélo : Des fois je me demande si tu es normal.
Le cycliste : Je me pose souvent la même question.
Le vélo : Ah oui quand même.
Le cycliste : Ça veut dire quoi, ah oui quand même ?
Le vélo : Ça veut dire que tu devrais consulter. L’agoraphobie, tu connais ?
Le cycliste : Je pourrais. Mais pour satisfaire ta vanité, dès qu’on sera de retour, j’irai consulter. Mon dictionnaire. Pour rire bien sûr.
Le vélo : Donc, un agoraphobe, c’est quelqu’un qui flippe sa race dans les lieux publics. Là où il y a des gens. Du monde, quoi.
Le cycliste : Je flippe rien du tout. Rentrons.
Le vélo : T’es vraiment un grand malade. Il y a une heure, après d’intenses négociations je parviens à t’extraire du canapé. Au démonte-pneus. C’est l’hiver. Fait trop froid. Il vente. Il pleut. J’implore. Je supplie. Tu finis par bouger ton cul à contre-coeur ou ton coeur à contre-cul. On sort. Il fait vilain. très vilain. Gris. Mouillé. Tu gémis. Tu maudis. Tes mains, glacées. Tes pieds, disparus, morts, enterrés. Et soudain une trouée. Le ciel s’éclaire. La pluie cesse de tomber sur ton petit nez. Là maintenant on a séché. On est même un poil réchauffés et on a facilement deux bonnes heures devant nous avant que la nuit se mette à tomber.
Le cycliste : Justement, tu vas voir. Dans dix minutes le monde entier va rappliquer.
Le vélo : Et alors ? Laissons venir à nous petits et grands.
Le cycliste : De Freud à Jésus. Mazette quel grand écart.
Le vélo : Faut dire qu’on a de la tenue, en conversation. T’es vraiment sûr de vouloir me vendre ? Il sera surement très beau, ton prochain vélo. Très léger. Très bleu. Très électronique. Et peut-être aussi qu’il sera très con.