En effet, contrairement à quelques (rares) aventures antérieures sur ce genre de terrain, il n'est pas question ici de proposer aux seuls clients dont la demande de financement n'aurait pas été (entièrement) satisfaite une solution de repli, qui, généralement, passe alors par des fournisseurs alternatifs, notamment de « crowdfunding ». Non, ce que Citi lance aujourd'hui est un nouveau service « digital », concurrent de son offre traditionnelle et soutenu par un modèle d'affaires spécifique, à plusieurs facettes, apparemment.
Bridge est ainsi conçue comme une véritable place de marché. Après avoir vérifié que son entreprise remplissait les conditions minimales d'éligibilité (qui sont celles d'une banque classique : au moins 1 ou 2 ans d'existence, des résultats robustes et stables…), le responsable est invité à préciser quelques informations sur son activité, un aperçu de son profil financier (sans transmission de justificatifs, à ce stade) et une description de son besoin, dont le montant peut aller de 100 000 à 10 millions de dollars.
Une fois le dossier – unique et standardisé – constitué, il est automatiquement soumis aux 18 établissements enregistrés sur Bridge à ce jour (Citi affirme en ajouter régulièrement), comme dans une procédure d'appel d'offres. L'entrepreneur n'a plus qu'à faire son choix parmi les réponses obtenues et le reste des démarches – incorporant, le cas échéant, les transferts d'information et de documents supplémentaires nécessaires – se poursuit sur le site, avec un suivi permanent des progrès de l'opération.
Au-delà d'exprimer son désir de soutenir les écosystèmes locaux, composés des petites entreprises et des milliers d'institutions financières dispersées sur le territoire américain, Citi n'explique pas vraiment ce qui la motive à mettre en œuvre une telle plate-forme. Il est tout de même possible d'imaginer quelques justifications probables et la première d'entre elles est une conviction forte et hardie que, en tant qu'actrice de portée internationale, elle n'est pas en mesure de couvrir toutes les attentes, y compris de ses clients.
Dès lors que cette limite est admise, il paraît raisonnable de non seulement aider les entreprises délaissées de la sorte à combler la carence suscitée mais encore d'en faire une ligne métier à part entière. En l'occurrence, cette dernière peut certes profiter d'une approche de courtage rémunérée, toutefois le véritable angle d'attaque de Citi consiste à mettre à la disposition des petites structures souvent mal équipées un service en ligne prêt à l'emploi, pour leur prospection commerciale et leur gestion des crédits.
Initialement déployée sous forme d'un pilote, centré sur quelques états du sud-est et des Rocheuses, Bridge représente donc avant tout une tentative originale de la banque de commercialiser ses compétences technologiques, en faisant en outre miroiter aux institutions intéressées un accès potentiel à sa clientèle. Il s'agit donc bien pour elle de développer un nouveau marché, en capitalisant simultanément sur ses deux forces principales, financières et informatiques, ce qui la rend d'autant plus convaincante.