Le 9 août, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publie son rapport le plus complet sur la science du changement climatique depuis 2013. Il s’agit du premier des quatre rapports publiés dans le cadre du dernier cycle d’évaluation du GIEC, les rapports suivants devant l'être en 2022.
Au cours des huit dernières années, les climatologues ont amélioré les méthodes qu’ils utilisent pour mesurer différents aspects du climat et pour modéliser (ou projeter) ce qui pourrait se passer à l’avenir. Ils ont également observé les changements qui se sont produits sous nos yeux.
Cette évaluation actualisée survient trois mois avant que les dirigeants mondiaux ne se réunissent à Glasgow, en Écosse, afin de trouver des moyens d’éviter les pires effets du changement climatique et renouveler leurs engagements en matière de réduction des gaz à effet de serre. Elle intervient également au milieu d’une nouvelle année marquée par d’intenses vagues de chaleur, des sécheresses, des incendies de forêt, des inondations et des tempêtes.
Le rapport fournira aux décideurs politiques les meilleures informations disponibles concernant la science du changement climatique. Cela est essentiel pour la planification à long terme dans de nombreux secteurs, des infrastructures à l’énergie en passant par le bien-être de la société.
Voici cinq éléments à surveiller dans le nouveau rapport :
Les niveaux de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère sont plus élevés aujourd’hui qu’ils ne l’ont été en 800 000 ans, atteignant 419 parties par million (ppm) en mai 2021. La température moyenne de la planète augmente avec chaque augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère, mais l’ampleur de cette augmentation dépend de nombreux facteurs.
Les climatologues utilisent des modèles pour comprendre l’ampleur du réchauffement qui se produit lorsque les concentrations de CO2 doublent par rapport aux niveaux préindustriels — de 260 ppm à 520 ppm — un concept appelé « sensibilité du climat ». Plus le climat est sensible, plus les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites rapidement pour demeurer sous les 2 C.
Les modèles climatiques plus anciens estimaient qu’un doublement du CO2 atmosphérique entraînerait une augmentation de la température de 2,1 C à 4,7 C. Les derniers modèles climatiques, appelé CMIP6 (pour « projet d’intercomparaison des modèles couplés »), a élargi la fourchette entre 1,8 C à 5,6 C, ce qui signifie que le climat est au moins aussi sensible à un doublement du dioxyde de carbone que ne le montraient les modèles précédents, mais qu’il pourrait, en fait, l'être encore plus.
Cette fourchette est influencée par les incertitudes liées à un certain nombre de facteurs, notamment la vapeur d’eau et la couverture nuageuse, et la manière dont ils vont augmenter ou diminuer les effets du réchauffement. Les scientifiques s’efforcent de réduire la fourchette des projections climatiques afin de mieux savoir à quel rythme nous devons réduire les émissions de gaz à effet de serre pour éviter les pires effets du changement climatique et nous adapter aux autres.
Les nuages sont un joker dans le jeu du changement climatique. Ils créent des rétroactions sur le réchauffement : celui-ci modifie la couverture nuageuse, mais cette dernière peut également accélérer ou ralentir le réchauffement dans différentes situations.
Les nuages réfléchissent environ un quart de la lumière solaire entrante loin de la Terre. Ainsi, si un réchauffement plus important entraîne une augmentation des nuages, on peut s’attendre à ce que davantage de lumière solaire soit réfléchie, ce qui ralentit le réchauffement. Cependant, les nuages isolent également la Terre, en retenant la chaleur dégagée par la surface. Ainsi, l’augmentation de la couverture nuageuse (par exemple pendant la nuit) pourrait amplifier le réchauffement.
Deux questions s’imposent : d’abord, de nombreux facteurs, dont le type de nuage, l’altitude et la saison, déterminent l’effet global d’un nuage sur le réchauffement. Puis les nuages sont extrêmement difficiles à modéliser : la façon dont les modèles tiendront compte de ces facteurs est la clé pour évaluer la gamme de sensibilité du climat.
Depuis le dernier rapport du GIEC, notre capacité à évaluer l’impact du réchauffement climatique sur les événements extrêmes s’est considérablement améliorée. Le chapitre 11 du dernier rapport y est consacré.
Le réchauffement climatique se traduit par des vagues de chaleur estivales plus fortes et des nuits tropicales plus fréquentes (températures supérieures à 20 °C) aux latitudes moyennes, comme au Canada et en Europe.
L’air plus chaud peut contenir plus d’eau. Cela peut entraîner une plus grande évaporation des terres et provoquer des sécheresses et des incendies de forêt. En outre, une atmosphère contenant plus d’eau peut produire davantage de précipitations et d’inondations.
Il y a plusieurs décennies, les scientifiques prévoyaient que ces changements dans le cycle de l’eau se produiraient. Mais il est devenu évident aujourd’hui qu’ils se produisent déjà.
Les modèles climatiques évalués par le GIEC sont des modèles globaux. Cela est essentiel pour saisir les liens entre les tropiques et les pôles ou entre la terre et l’océan. Cependant, cela a un coût : les modèles ont du mal à simuler de nombreux éléments d’une taille inférieure à 100 kilomètres, comme les petites îles, ou des événements comme des petites tempêtes.
Les relations régionales peuvent être complexes : par exemple, les tempêtes extrêmes contribuent à briser la glace de la mer arctique, en été, mais la réduction de la couverture de glace de mer peut également entraîner des tempêtes plus fortes.
Depuis le dernier rapport du GIEC, les techniques permettant d’exploiter ces informations à grande échelle et de les affiner ont montré comment le climat régional et local a changé et pourrait changer à l’avenir. D’autres expériences portent sur des questions régionales, comme les répercussions de la perte de la banquise arctique sur les tempêtes.
Le niveau mondial de la mer augmente parce que l’eau se dilate légèrement lorsqu’elle se réchauffe. Les glaciers de montagne et la calotte glaciaire du Groenland fondent et ajoutent de l’eau aux océans.
Mais la plus grande source potentielle d’élévation du niveau de la mer au cours du prochain siècle est l’Antarctique. Les modèles concernant les calottes glaciaires montrent que leur fonte en Antarctique ajoutera entre 14 et 114 centimètres à l’élévation du niveau de la mer d’ici 2100. Il s’agit d’une fourchette énorme, et tout dépend si la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental reste relativement stable ou si elle commence à s’effondrer lentement mais sûrement.
La façon dont le GIEC communique ses connaissances scientifiques aura un impact sur la manière dont les communautés côtières planifient l’élévation du niveau de la mer. Les villes de faible altitude, comme Lagos, au Nigeria, pourraient devenir inhabitables d’ici la fin du siècle en raison de l’élévation du niveau de la mer, en particulier si les estimations les plus élevées des modèles s’avèrent justes.
Le rapport du GIEC permettra aux décideurs de mieux comprendre comment le changement climatique nous affecte aujourd’hui. Cela sera particulièrement utile pour mettre en place des stratégies d’adaptation à court terme.
Mais à mesure que la science s’améliore, les perspectives de changements climatiques deviennent plus sombres. Les grandes incertitudes qui subsistent signifient que les climatologues ont devant eux un travail considérable.
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