(À la mémoire de F.L.)
"Sick down to my heart, that's just the way it goes"
Au dernier jour de ma seconde semaine de vacances (on entame la troisième) là où on logeait, il y avait un "bal en blanc" sur la plage, une levée de fonds pour les services dans la localité. On mangeait bien, on buvait mieux encore, on s'amusait ferme. J'entends soudainement un nom que je n'avais pas entendu depuis 1982. J'ai reconnu le nom, mais pas la personne, Il était maintenant chauve. J'ai fait valider par quelqu'un qui le connaissait et c'était bien lui, un bougre avec lequel j'avais été à l'école primaire: Truchon! Les gens autour l'appelait "Nick", et d'autres m'appelaient Hunter, mais pour l'un et l'autre nous étions "Truch" et "Hunt" depuis 39 ans. On a voyagé dans le temps en se jasant des 39 années qui nous avaient séparés, des jours nouveaux qui se présentaient à lui et à moi, de sa blonde avec laquelle j'avais aussi été à l'école, mais au secondaire. C'était merveilleux.
Dans la même semaine, on découvrait que la soeur d'un bon ami de toujours, Simon Rhodes, avait un chalet dans la rue où on logeait avec son chum et leurs deux enfants. Ils y passaient l'été. La dernière fois que je l'avais vue, elle, c'était autour de 1987. Elle avait 12 ans. On a jasé beaucoup ensemble, son frère, Simon est passé nous voir, il habite Gatineau, il se fait rare, nous étions gâtés. Bon temps. C'était merveilleux.
Le même soir du bal en blanc, je découvrais que le chum de la soeur à Rhodes, avec lequel j'avais fraternisé toute la semaine, connaissait la maison de mon enfance pour y avoir fait des partys avec ma plus jeune soeur, Greenjelly. "C'est toi le frère de Greenjelly? OMG! Ben ta soeur nous avait parlé de toi avoir su que t'étais le frère de Green!". Et là, on a aussi essayé de rattraper le temps perdu. C'était merveilleux.
Comme la région ne cessait de se rapetisser, on allait aussi découvrir que la première blonde de mon défunt père, avec laquelle on avait aussi jasé toute la semaine sans savoir, était tous les jours sur la plage, près de nous. "ben oui! maintenant que tu le dis, tu y ressemble tellement! J'ai beaucoup dansé avec ton père!". Elle allait aussi danser avec le fils, sur la plage. C'était weird.
Au tout dernier matin de notre séjour autour du lac, une bombe sur mon téléphone. La nouvelle d'un ami du secondaire, décédé à l'âge de 49 ans, d'un banal incident. C'est ce que racontait son amoureuse sur Facebook, 4 jours après les faits. Ce n'était pas seulement la mort de ce bougre de bougre, un fier pirate de l'équipée de l'école secondaire, qui nous secouait, c'était aussi "le banal incident". Comment avait-il pu mourir subitement? C'était bouleversant.
Entre 1987 et 1991, on se voyait beaucoup. Ayant comme lien commun, l'école, principalement. Mais on pouvait se croiser un peu partout dans les soirées entre amis que nous avions tous en commun. Au CEGEP, j'ai eu un cours d'histoire des États-Unis avec lui et on s'est beaucoup amusé. C'est le type de bougre qu'il était: un gars avec lequel on s'amuse tout le temps. Même si parfois, les week-ends surtout, il pouvait devenir gratuit vandale et moins recommandable. Moi qui était bien démarré dans le retour en arrière par les rencontres précédentes, moi qui avait le coeur plein de souvenirs heureux, anciens et nouveaux, voilà que j'apprenais que celui-là, devenait nostalgie à jamais. Et qu'il n'y aurait plus de souvenirs heureux futurs possibles. À 49 ans, il décédait banalement. Et de manière aussi absurde qu'inacceptable.
Débutant ses vacances en camping, avec son amoureuse et les 2 enfants de celle-ci, il s'est étouffé fatalement avec une bavette de boeuf. Ils été une douzaine à lui faire la manoeuvre de Heimlich ou à vouloir l'aider. Sans succès. L'ambulance a mis 45 minutes à se rendre au lointain camping, et les 45 minutes pour le ramener à l'hôpital lui ont été mortelles. Horrible. Absurde. Mourir d'appétit. Dur à encaisser de partout. Pour les proches, cauchemar.
Ironiquement, ma troisième semaine de vacances commençait avec ses funérailles. Qui furent d'involontaires retrouvailles de notre école secondaire. Encore, nous avons tous voyagé dans le temps. Ça avait un côté merveilleux, dans un contexte infâme. Des faces, tous du même âge, auxquels on essayait de soustraire 30 ans, d'ajouter quelques cheveux, de soustraire quelques livres, et qu'on finissait par reconnaître dans la stupeur. On a retrouvé une "vibe" de 1989.
On a ri. À ses funérailles. Nos coeurs ont fait le plein, à tous. De toutes sortes de choses. De rires surtout. Ce boy's boy ne voulait pas nous voir pleurer. Il voulait toujours rire.
C'est le bruit qu'on connaissait de lui. On avait toujours ri autour de lui. Toujours. Il était rire.
On oubliera jamais les rires, camarade!
T'es en bonne compagnie là où tu te trouves. Ton père t'y attendais depuis 42 ans.
Vous avez aussi du temps à rattraper. Fais-le rire. C'était si facile pour toi.