Il aura fallu 12 longues années pour retrouver Jean Dujardin dans le rôle d'Hubert Bonisseur de la Bath, alias OSS 117. L'espion le plus misogyne, raciste et irrévérencieux des services secrets français reprend cette fois du service dans un 3e opus intitulé " Alerte Rouge en Afrique Noire" . Exit Michael Hazanavicius cette fois, et bonjour Nicolas Bedos à la réalisation ! Alors que Jean-François Halin (scénariste des 2 précédents opus) est toujours à l'écriture, que vaut ce 3e épisode tant attendu ?
OSS 117- Le Caire, nid d'espions et Rio ne répond plus ne sont pas juste 2 comédies très réussies, ce sont des films instantanément cultes, bourrées de références et d'humour acidulé, digérant à merveille leurs influences et propulsant le personnage d'OSS 117 comme une véritable icône du cinoche français. Si bien qu' un 3e opus s'est longtemps fait attendre, jusqu'à ce que des divergences entre Hazanavicus et Halin ne voient une scission entre les deux têtes pensantes de la franchise.
Espion has-been
D'un côté, le premier voulait un Hubert bedonnant, vieilli et faisant carrément son coming-out. De l'autre, Halin voyait OSS comme Tintin, une figure immuable traversant les époques (presque) sans rides. Nul doute que la première option aurait fait réagir, quoi qu'il en soit le papa de la saga est toujours là, avec notre espion désormais mandaté pour une mission de la plus haute importance en Françafrique !
D'entrée de jeu il faut saluer le postulat de base respecté à la lettre par Nicolas Bedos, à savoir transposer OSS 117 dans les années 80. En effet, là où le 1er se voulait un pastiche des films de Hitchcock et de Sean Connery, et le 2e singeait pas mal le cinéma de Belmondo, Alerte Rouge en Afrique Noire embrasse totalement l'imaginaire Bondien période Roger Moore, avec un soupçon d'Indiana Jones/Romancing the Stone ! Cela se traduit par un style visuel plus contemporain, des travelings à la grue, une lumière très travaillée (visuellement le film est une réussite) ainsi qu'une dose d'action supplémentaire. Des différences qui tranchent cependant pas mal avec l'identité des précédents, qui justement jouaient habilement avec tous les tropes du cinéma d'espionnage des 50's-60's.
Néanmoins pas de quoi jeter la pierre, tant on est dans une démarche logique avec un réalisateur qui se pose les bonnes questions et insuffle les références requises (scène d'ouverture musclée, générique à la Goldfinger, homme de main avec un bras mécanique...). On pourrait presque penser que Bedos est un peu plus intéressé à créer un film d'aventures avec de l'humour, plutôt que de créer un cocktail de comédie en pleine symbiose. Néanmoins, l'aspect comique d'Hubert est toujours partie intégrante, avec de petites variantes bien notables ceci-dit !
From Africa with Love
Changement d'époque oblige, notre Hubert (désormais fana de Giscard d'Estaing et critiquant ouvertement Mitterand) a pris de l'âge, et est considéré comme une légende légèrement dépassée. Après une séquence citant ouvertement #MeToo, Hubert se retrouve au service informatique, loin de l'excitation du terrain. Rétrogradé au profit du juvénile OSS 1001 (un Pierre Niney tout fringuant), OSS 117 va rapidement reprendre du service afin de contrecarrer le coup d'état d'une cellule terroriste en Afrique noire. Bien évidemment, il s'agit de la dernière personne à envoyer en Françafrique, et les promesses de base sont évidemment alléchantes.
Malheureusement on constatera rapidement que le contexte d'Afrique au passé colonial n'est pas totalement exploité (il faudra attendre la fin du film pour avoir quelques balbutiements de propos pertinents sur l'influence de l'Hexagone) tout comme la menace russe (cruellement sous-exploités), et notre cher OSS se veut muselé pendant une grande partie du film. Là où la personnalité et les manières totalement déplacées de l'espion se voulaient auparavant hilarantes de par le contraste avec les personnages environnants, ici soit l'humour est automatiquement désamorcé par une réplique ou un personnage derrière, soit loupe le coche. Un manque de soupape pour porter un humour qui tombe assez régulièrement à plat, souvent bas du front et terrible ment éloigné du second degré lucide des précédents.
Un constat frustrant tant les ingrédients sont là, et que tout le monde y met du cœur à l'ouvrage. Tout d'abord, Jean Dujardin est encore une fois parfait dans le rôle, reprenant le costume avec plus de bouteille, et apportant un vrai naturel à un Hubert délicieusement méprisable. Il est également entouré d'une excellente Natacha Lindinger en scène-stealer, et d'un Pierre Niney plein de justesse en acolyte. Une dimension buddy movie qui fonctionne bien, offrant un joli contraste entre le politiquement incorrect et son contraire, sans être omniprésente tout au long des 1h50 du métrage. On aurait cependant aimé que ce credo s'applique à l'ensemble du métrage.
Le reste du casting est malheureusement moins mis en valeur (Fatou N'Diaye véritablement présente que sur la dernière ligne droite), symptomatique d'une intrigue convenue dont on a clairement du mal à s'intéresser. Néanmoins, le film arrive par instants à esquisser un sourire, ou provoquer le rire (l'usage de Tintin au Congo, une scène avec un serpent bien trouvée, un monologue post-coïtal hilarant...) dès lors que la seconde partie s'enclenche. Le rythme est mieux géré, et la musicalité comique de l'ensemble trouve un peu plus son tempo (ici OSS trouve toujours un contrepoids avec un personnage secondaire), malgré la vacuité des enjeux, et une structure déjà vue.
Pas mal de Roger, mais pas assez du Moore
Peu de choses à se mettre sous la dent dans ce OSS 117, finalement bancal et peu équilibré. Une réalisation soignée (même si sans éclat), une photographie travaillée, une direction artistique aux petits oignons (on pardonne 1 ou 2 fonds verts car la production design est de qualité), un bon casting et une chouette partition musicale pleine de vitalité offrent quand même au long-métrage une fabrication carrée. Un visionnage pas déplaisant en fin de compte, jusqu'à une conclusion beaucoup trop rushée pour être satisfaisante cependant (et annonciatrice d'une suite ?).
En conclusion, OSS 117 - Alerte Rouge en Afrique Noire est un petit rendez-vous manqué, malgré de bons éléments. Là où les précédents volets utilisaient l'irrévérence et l'absurde pour aborder les questionnements du racisme, du sexisme et de l'impérialisme occidental (pour mieux se moquer du personnage), ce 3e opus joue un peu trop souvent le 1er degré gênant, le désamorçage de blagues, ou bien tout simplement la mauvaise gestion de l'humour, éclipsant les gags qui font mouche à intervalles réguliers. Ajoutons à cela des bonnes idées peu exploitées, on tient là un OSS 117 divertissant, plaisant grâce à un Dujardin impeccable, mais manquant de coffre et de ressources pour clairement en sortir conquis.