Roman autobiographique - 375 pages
Editions Christian Bourgois - août 2021
Carmen est une jeune écrivaine lorsqu'elle croise dans sa vie son grand amour, une femme déterminée, sensuelle, passionnée. Dans les Etats-Unis des années 2000, elles vivent leur amour avec le bonheur d'être à deux et l'anxiété encore sous-jacente en des lieux moins sûrs. Son amoureuse n'est pas toujours auprès d'elle, leurs activités les séparent de plusieurs états. Mais assez vite, leur relation devient assez toxique, Carmen étant terrorisée par les accès de jalousie, de colère de sa copine, qui tarde également à se séparer de Val avec qui elle entretient une relation en parallèle. Jour après jour, l'espoir d'une stabilisation de leur relation s'amenuise...
Dans la maison rêvée est un livre très personnel, des mémoires écrites pour mettre en lumière ce qui se tait, ce que l'on ne sait pas concevoir : les violences conjugales dans les couples lesbiens. Aux Etats-Unis, où seule la violence physique serait pénalement reconnue, les souffrances liées à l'enfermement psychique, à la terreur passionnelle, aux jalousies maladives, aux perversions narcissiques, restent tues.
Extrait :
""T'étais passée où, putain ?"
Tu lui racontes que tu as rencontré aux toilettes cette femme qui s'est ouverte à toi, que tu ne pouvais pas lui écrire parce que tu ne voulais pas l'interrompre. Tu te dis que tes explications désamorceront sa colère - tu penses même qu'elle va s'excuser - mais, contre toute attente, elles la rendent folle de rage. Elle continue de marteler le tableau de bord. "T'es qu'une foutue petite conne égoïste, comment oses-tu sortir du bâtiment sans prévenir ?" Chaque fois que tu mentionnes la femme, elle crie de plus belle. Tu te gares à quelques rues de chez vous.
"Ne me parle pas sur ce ton", dis-tu. Puis, sous le choc, tu fonds en larmes. "Je devais prendre une décision, et je pense vraiment avoir fait le bon choix."
Elle détache sa ceinture de sécurité et se penche à ton oreille. "T'avise pas d'écrire là-dessus. Je te l'interdis. Tu m'as bien comprise ?"
Tu ignores si elle parle de la femme ou d'elle, mais tu hoches la tête.
La peur nous pousse tous au mensonge."
Sur la forme, le récit est atypique De courts chapitres tous intitulés "La Maison rêvée à la manière de..." ("...à la manière d'un very bad trip", "...à la manière d'un décor", "...à la manière d'une hypocondrie"...) enchaînent les souvenirs du récit mais aussi les références cinématographiques et littéraires - que je suis loin d'avoir maîtrisées. L'autrice s'autorise même des passages dont nous serions les héros. Carmen Maria Machado s'évertue à trouver tous les prémices des premiers récits de violences homosexuelles et à les mettre en lumière selon les regards portés par l'extérieur (hétérosexuel) ou l'intérieur (du monde queer). L'autrice réussit assez bien à décrire par ses réactions ou ses non réactions, par ses pensées, les mécanismes de cette peur toute enveloppée d'amour, cette terreur sourde qu'on ne veut pas admettre par crainte aussi de s'avouer un échec, de révéler l'imperfection d'un type de relation rêvée, d'une vie voulue dans la maison rêvée, d'une désillusion amoureuse et presque sociale...
Un livre intéressant que j'ai pourtant eu un peu de mal à lire.
L'avis de Florian - Le Dévorateur
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