Septembre éternel, de Julien Sansonnens

Publié le 07 août 2021 par Francisrichard @francisrichard

Le monde dans lequel je suis né n'existe plus: est-cela ce qu'on appelle vieillir? Je demeure comme retenu dans un mois de septembre éternel, dans ce peu que constitue désormais le présent, matériellement confortable et de peu d'intérêt.

Marc Calmet, le narrateur, la soixantaine, vend sa librairie de Voiron après une trentaine d'années d'activité. Au mois de mai 2019, il monte à Paris afin de signer l'acte de vente à un géant chinois du commerce en ligne de produits culturels.

Au cours des quatre mois précédents, la France s'est soulevée, après le suicide, le 23 janvier, sur un banc d'une place de Pontarlier, d'un vieil homme, un quincaillier qui n'arrivait plus à s'en sortir et avait laissé cette note expliquant son geste:

Je meurs et que crève avec moi la République!

Sur les réseaux sociaux, la nouvelle s'était répandue et n'avait pas laissé indifférent, si bien que peu à peu avait surgi l'idée d'une journée d'action, le samedi 4 février, pour honorer la mémoire de cet homme qui s'était tiré une balle dans la bouche:

Dans une certaine confusion, les contours de la journée d'action ont été définis: il s'agirait de former, à partir des places publiques des villes et villages, de larges chaînes humaines appelées à se déployer dans l'espace alentour.

Le mouvement des enchaînés était lancé et il allait connaître, dès cette première manifestation, un succès sans précédent puisque, selon le ministère de l'Intérieur, deux cent dix mille personnes s'étaient rassemblées sur l'ensemble du territoire...

Samedi après samedi, le soulèvement s'était amplifié, surtout depuis le 18 février, qui avait été marqué par la mort d'une jeune fille de dix-sept ans lors d'une opération de maintien de l'ordre à Toulouse, haut-lieu de la contestation depuis ses débuts.

Dans ce contexte, qui suscite l'incompréhension des médias et des soi-disant élites, Marc Calmet se souvient du monde d'avant le mondialisme et qui, année après année, s'est dissout, comme s'est dissoute, parallèlement, sa propre vie de famille.

Pour raviver le souvenir de ce qu'ont été ce monde et sa famille, il se rend à Paris, pour son rendez-vous notarial, par des chemins de traverses, en suivant notamment le cours de la Loire et en invitant, route faisant, une femme à l'accompagner.

Julien Sansonnens connaît bien la France profonde d'avant, les décennies au cours desquelles elle s'est défaite. Aussi le lecteur, qu'il les ait ou non vécues, ne pourra-t-il être que touché par ce que son personnage dit à la fin de son périple:

Les bars, les églises, les cimetières m'apparaissent comme les derniers lieux entretenant un rapport particulier à la mémoire, des repères desquels la réminiscence du monde d'avant sera effacée le plus difficilement.

Francis Richard

Septembre éternel, Julien Sansonnens, 376 pages, Éditions de l'Aire

Livres précédents:

Jours adverses, Éditions Mon Village (2014)

Les ordres de grandeur, Éditions de l'Aire (2016)

Quatre années du chien Beluga et autres nouvelles, Éditions Mon Village (2017)

L'enfant aux étoiles, Éditions de l'Aire (2018)