Les violences des autorités indonésiennes à l’encontre des Papous autant que la colonisation brutale de la Nouvelle-Guinée occidentale sont largement passées sous silence par les médias français.
Dans ce contexte répressif, de nombreuses entreprises étrangères en profitent pour exploiter cette région riche en ressources naturelles, avec la complicité du gouvernement indonésien et de ses alliés…
Les médias français ont l’indignation facile à l’encontre des états qui persécutent les minorités comme en Russie, Iran, Chine, etc., sauf lorsque ces états sont alliés aux gouvernements occidentaux comme c’est le cas de la Nouvelle-Guinée occidentale où la répression est tout aussi brutale.Une colonisation ancienne
De par sa position stratégique et les richesses dont elle regorge, l’île de Nouvelle-Guinée est progressivement revendiquée et colonisée par les puissances européennes, qui se disputent sa souveraineté dès la fin du XVIIIème siècle.
En 1885, Hollandais, Britanniques et Allemands se divisent l’île, tout en s’attachant à christianiser les populations papoues.
En 1902, le Royaume-Uni cède l’administration de la Nouvelle-Guinée britannique à l’Australie, qui s’empare également de la partie allemande de l’île à l’issue de la Première guerre mondiale. L’île est alors divisée entre une administration hollandaise à l’ouest et une administration australienne à l’est, successivement placées sous l’égide d’un mandat de la Société des Nations puis des Nations Unies.
En 1961, le Président Soekarno, revendique l’ensemble des territoires colonisés par l’administration hollandaise dans la région, y compris la Nouvelle-Guinée occidentale. Les troupes indonésiennes envahissent alors la région, tandis que, sous la pression des États-Unis, les Pays-Bas sont contraints de transférer leur souveraineté sur le territoire à l’Indonésie en 1963. S’ensuit alors un violent conflit opposant les troupes indonésiennes à l’Organisation pour une Papouasie libre, qui fait à minima 30 000 victimes entre 1963 et 1969, date à laquelle l’Indonésie organise un référendum d’autodétermination pour les Papous, en vertu d’un accord passé avec les Nations Unies en 1962.
Sur le million d’habitants de la Nouvelle-Guinée occidentale, seuls 1 026 chefs locaux réputés pour leur complaisance envers Jakarta sont autorisés à participer à ce référendum et forcés à voter en faveur du statu quo, sous la menace des militaires indonésiens. Sans grande surprise, le résultat prend des airs de plébiscite en faveur du maintien du territoire au sein de l’Indonésie. Et en dépit de ces irrégularités manifestes, les Nations Unies jugent cependant la consultation conforme à l’accord de New York de 1962, en vertu duquel le référendum avait été planifié.
Les autorités indonésiennes, désormais soutenues par le droit international, poursuivent alors la colonisation de la Nouvelle-Guinée occidentale, en dépit de l’opposition des Papous qui s’insurgent contre ce référendum en trompe-l’œil.
Les revendications indépendantistes sont matées dans le sang, tandis que Jakarta s’attelle à « indonéiser » et islamiser les territoires papous en facilitant l’afflux de migrants indonésiens en provenance de Java, Bornéo, Sulawesi et Sumatra. Suivant cette politique dite de « transmigrasi », plus de 750 000 migrants indonésiens s’installent en Nouvelle-Guinée occidentale entre 1970 et 2010. Et alors qu’ils formaient plus de 95% de la population de Nouvelle-Guinée occidentale dans les années 60, les Papous n’en représentent plus que 69% en 2017.
Une répression continue
En 2014, l’élection de Joko Widodo à la tête de l’Indonésie promet davantage de justice pour les Papous. Mais leur situation n’a toujours pas changé d’un pouce, leur mode de vie méprisé et leurs droits bafoués sans compter les massacres, assassinats et disparitions forcées.
L’armée indonésienne n’hésite pas à brandir la menace terroriste que représente l’Organisation pour une Papouasie libre, qui ne compte pourtant plus que quelques centaines de combattants armés, pour renforcer sa présence et justifier sa répression.
Fin avril 2021, l’armée indonésienne lance de nouvelles opérations militaires dans la région du Puncak suite à la mort du chef des services de renseignement de la province de Papouasie, survenue après un affrontement armé avec les indépendantistes.
Depuis 1969, au moins 100 000 Papous ont ainsi perdu la vie. Probablement sous-estimé, ce chiffre pourrait même atteindre les 500 000, et ce sans compter les milliers de Papous ayant fait l’objet de tortures, de viols ou d’emprisonnements politiques.
Le silence complice des nations
Pour la Commission asiatique des droits de l’Homme, les massacres de masse commis par l’armée indonésienne dans les années 1970 pourraient constituer un génocide. Mais en dépit de ces signaux d’alarme et d’une répression indonésienne qui ne faiblit pas, la communauté internationale se contente toujours d’un silence pesant.
À diverses reprises, plusieurs nations mélanésiennes, parmi lesquelles les Tuvalu, ont exprimé devant les Nations Unies leurs inquiétudes au sujet des violations des droits humains, tout en se faisant le relai des revendications indépendantistes des Papous. Cependant, en vertu du supposé référendum d’autodétermination de 1969, les Nations Unies ne considèrent pas la Nouvelle-Guinée occidentale comme un territoire colonisé et se désintéressent de la question, et ce alors même qu’elles placent par exemple la Polynésie française sur la liste des territoires à décoloniser.
En 2017, le Comité spécial de la décolonisation des Nations Unies a ainsi rejeté une pétition demandant l’indépendance de la Nouvelle-Guinée occidentale et signée par plus de 1,8 million de Papous.
L’intérêt politico-économique des Nations occidentales - et en premier lieu des Etats-Unis - à ménager le partenaire indonésien est une des clés explicatives de ce mutisme onusien. Philippe Pataud Célérier, journaliste pour Le Monde diplomatique indique à ce sujet : « sans doute l’ONU a-t-elle préféré troquer le droit à l’autodétermination du peuple papou contre une issue politique beaucoup plus stable et lucrative pour les intérêts américains ».
Freeport, chantre absolu du néolibéralisme
Longtemps sous-exploitée, la Nouvelle-Guinée occidentale est très largement dotée en ressources naturelles. On y trouve de l’or, du cuivre, du nickel, du cobalt et du gaz en abondance. Par ailleurs, dotée de denses forêts tropicales représentant un quart des étendues forestières de l’archipel indonésien, la région abrite une faune et une flore extraordinaires. Fascinant les biologistes, la forêt séduit également les entreprises transnationales qui s’accaparent ses ressources en bois, estimées à 78 milliards de dollars.
Afin de satisfaire l’appétit des pays développés, les forêts de la région sont pillées, parfois en toute illégalité. Ainsi, sur les 42 millions d’hectares de forêts de Nouvelle-Guinée occidentale, plus de la moitié a été jugée exploitable par Djakarta, sans compter quelque neuf millions d’hectares supplémentaires alloués au développement agricole, dont celui du palmier à huile. Avec la bénédiction de l’État indonésien, les ressources de la région sont désormais vouées à l’exportation, tandis que les entreprises transnationales y multiplient leurs projets d’extraction et d’exploitation, à l’image de Freeport, premier investisseur étranger en Indonésie.
En 1967, après la signature de son contrat avec le régime de Soeharto, Freeport entreprend ses premiers forages miniers en Nouvelle-Guinée occidentale. En 1988, la compagnie minière découvre le colossal gisement de Grasberg, aux abondantes réserves d’or et de cuivre. On estime ainsi que la mine de Grasberg renferme les deuxièmes réserves les plus importantes au monde en or et les troisièmes en cuivre.
L’État indonésien est l’actionnaire majoritaire de Freeport et détient, depuis 2018, 51% de son capital. Premier contribuable d’Indonésie, située parmi les premiers employeurs du pays, Freeport a ainsi contribué, sur la seule année 2014, à rapporter plus de 1,5 milliard de dollars à l’État indonésien.
En dépit de l’indéniable enrichissement des entreprises étrangères et d’une stimulation de la croissance du pays, les populations de Papouasie Nouvelle-Guinée n’ont cependant pas bénéficié des retombées économiques de l’exploitation de leur territoire. Si à l’échelle internationale, rares sont désormais les régions et les ressources à ne pas subir les affres d’un néolibéralisme débridé, rares sont également les peuples à subir un niveau de répression et d’acculturation aussi intense que les Papous de Nouvelle-Guinée occidentale.
Victor Yeimo, porte-parole du mouvement indépendantiste Komité Nasional Papua Barat, résume amèrement le triste sort de la Nouvelle-Guinée occidentale : « La Papouasie est prise entre l’enclume et le marteau : d’un côté le capitalisme prédateur des multinationales comme Freeport, qui exploitent sans vergogne notre pays ; de l’autre, un colonialisme indonésien tout aussi cupide et destructeur ». Face aux dérives du néolibéralisme et au silence complice des États, « les vies des Papous ne comptent pas »…
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