L’incantation pour nous toutes est le premier livre écrit par Anna Milani, née italienne, qui redresse nos torts et ceux qui nous sont faits par la force des mots qu’elle a choisi d’écrire en français, en renonçant à la musicalité de sa langue maternelle, pour renforcer les structures et la charpente de cette maison de tous les bannissements et de tous les enfermements dont les parois finiront par céder à la démesure de l’espace extérieur.
Et c’est comme ça qu’un matin toutes les figures debout, face aux fenêtres, les subtiles et les aquatiques, les fauves et les obscures, toutes tendues vers le dehors. Elles appellent, elles appellent le paysage, qu’il vienne se déployer à l’intérieur du corps : une démesure de ciel entre les côtes, des lointains de taïga dans le flux sanguin, la fréquence cardiaque d’un galop martelant sur les plaines. (p.35)
Vianney Lacombe
Anna Milani, Incantation pour nous toutes, collection présent (im)parfait, éditions isabelle sauvage,
40 pages, 9 €
Extrait
12 13
Le blessé c’est un oiseau. Atteint de troubles respiratoires.
Il porte dans sa cage thoracique l’ampleur nécessaire
pour accomplir sa tâche : une traversée transcontinen-
tale. Il connaît la trajectoire et les étapes. Il travaille
sa résistance aux intempéries et la patience au long
cours. Dans l’attente de se rétablir pour entreprendre
le voyage, il chante un chant saccadé
*
La maison se trouve à la confluence de trois rivières
souterraines. Dans la nuit on entend l’eau travailler et
dissoudre les roches calcaires. Elle creuse des conduits
et des vides, elle génère pertes et résurgences. La mai-
son s’adapte à la morphologie souterraine