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(Note de lecture), Anna Milani, Incantations pour nous toutes, par Vianney Lacombe

Par Florence Trocmé


Anna Milani  incantations pour nous toutesLa maison de L’incantation pour nous toutes d’Anna Milani est dessinée avec des phrases compactes, car il ne s’agit pas seulement de montrer des figures et des corps, il faut aussi montrer comment la maison est transpercée pour laisser passer tous les vents, tous les fleuves, toutes les campagnes à la rencontre du blessé à l’écoute des phénomènes qui l’assaillent mais que sa blessure empêche d’accueillir, les paysages, le ciel, le cheval qui piétine d’impatience dans la cuisine de cette maison ancrée dans l’horizontalité et dans la verticalité de l’écriture dont la tension parcourt tout le livre, mais dont les cloisons finissent par s’abattre lorsque la maison malgré sa structure persistante et compacte, ses serrures et ses embargos libère toutes les figures prisonnières de ses pièces, et l’espace s’ouvre enfin, laisse entrer tout ce qui était inaccessible pour le blessé, l’oiseau, la jeune fille, la femme qui descend vers la rivière et s’ouvre au mouvement du fleuve, tous et toutes s’accordent et se régénèrent et chantent dans l’écriture les mots inédits de leur délivrance.
L’incantation pour nous toutes est le premier livre écrit par Anna Milani, née italienne, qui redresse nos torts et ceux qui nous sont faits par la force des mots qu’elle a choisi d’écrire en français, en renonçant à la musicalité de sa langue maternelle, pour renforcer les structures et la charpente de cette maison de tous les bannissements et de tous les enfermements dont les parois finiront par céder à la démesure de l’espace extérieur.
Et c’est comme ça qu’un matin toutes les figures debout, face aux fenêtres, les subtiles et les aquatiques, les fauves et les obscures, toutes tendues vers le dehors. Elles appellent, elles appellent le paysage, qu’il vienne se déployer à l’intérieur du corps : une démesure de ciel entre les côtes, des lointains de taïga dans le flux sanguin, la fréquence cardiaque d’un galop martelant sur les plaines. (p.35)
Vianney Lacombe

Anna Milani, Incantation pour nous toutes, collection présent (im)parfait, éditions isabelle sauvage,
40 pages, 9 €
Extrait
12 13
Le blessé c’est un oiseau. Atteint de troubles respiratoires.
Il  porte  dans  sa  cage  thoracique  l’ampleur  nécessaire
pour accomplir sa tâche : une traversée transcontinen-
tale.  Il  connaît  la  trajectoire  et  les  étapes.  Il  travaille
sa  résistance  aux  intempéries  et  la  patience  au  long
cours. Dans l’attente de se rétablir pour entreprendre
le voyage, il chante un chant saccadé
*
La  maison  se  trouve  à  la  confluence  de  trois  rivières
souterraines. Dans la nuit on entend l’eau travailler et
dissoudre les roches calcaires. Elle creuse des conduits
et des vides, elle génère pertes et résurgences. La mai-
son s’adapte à la morphologie souterraine


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