Les cartes de crédit connaissent une baisse de popularité régulière depuis plusieurs années, notamment parmi les jeunes adultes, et l'explosion récente des solutions de paiement fractionné (BNPL) ne fait qu'accélérer la tendance. Afin de ne pas disparaître, à terme, avec les premières, Visa se raccroche désormais aux wagons des secondes.
C'est d'abord la défiance qui a commencé à miner le règne des cartes de crédit, en particulier en Amérique du Nord. Puis les incertitudes de la crise sanitaire ont entraîné un surcroît de prudence de la part des consommateurs, qui a fait globalement chuter les encours. Enfin, la prolifération des nouveaux instruments de règlement différé, fréquemment présentés comme gratuits et, surtout, offrant une prédictibilité bienvenue sur les budgets, prend leur place et limite l'impact du retour à la normale des usages.
Mais comment Visa, qui est essentiellement un réseau d'échanges et donc pas un acteur du crédit, peut-elle se positionner sur ce marché… qui, pour l'instant, semble se développer en dehors de son périmètre (hormis, parfois, pour les versements des échéances de remboursement) ? Sa réponse est simple et logique : dans une déclinaison de ses métiers historiques, elle vise à définir une sorte de standard de l'intégration du paiement fractionné dans les parcours d'achat, comme l'est devenue la carte avant lui.
Le projet est ambitieux, mais la technologie moderne le rend relativement aisé à mettre en place, sinon à faire adopter. Du côté des commerçants, Visa leur fournit une interface grâce à laquelle ils peuvent proposer à leurs clients de profiter de la facilité avec le minimum de frictions, à tout le moins sur le web car il est un peu plus difficile d'imaginer une expérience transparente sur les terminaux physiques. Du côté des émetteurs, c'est un jeu complet d'API qui autorise le déploiement rapide des capacités de BNPL.
Le dispositif comporte suffisamment de flexibilité pour répondre à la plupart des besoins. Sont ainsi prévus les 3 modes d'adhésion, avant l'achat (toutes les dépenses sont fractionnées, par défaut), pendant (au choix lors de la validation de l'opération) ou a posteriori (via une fonction de conversion). L'applicabilité, selon le marchand, la carte utilisée, le porteur (et son éligibilité), sont configurables à volonté, tout comme les conditions (différents plans disponibles, durée, échéancier, taux d'intérêt…).
Concrètement, Visa joue ici son rôle habituel d'intermédiaire, en instaurant un protocole normalisé vis-à-vis des institutions financières pour la présentation de leurs options de paiement sur les sites d'e-commerce (et, peut-être, plus tard dans les boutiques). La promesse de valeur est évidente : il s'agit d'ajouter les nouvelles approches de crédit au cœur des pratiques habituelles, dont principalement le recours à la carte de paiement, sans rupture ni complication, comme une évolution naturelle des systèmes existants.
Outre leurs velléités de réagir au déclin de la carte de crédit, la démarche devrait séduire les institutions financières traditionnelles qui souhaiteraient reprendre l'avantage face aux startups (devenues licornes, pour certaines d'entre elles) qui se sont plus ou moins appropriées l'exclusivité du BNPL. Face au plus gros défi de ces dernières, à savoir l'exposition de leur service au consommateur au moment clé, elles disposent en effet avec Visa d'un point d'entrée familier garantissant une portée immédiate à leurs efforts.