C’est la traduction de ‘Heartquake‘, le titre de l’exposition en cours au Museum on the Seam, à Jérusalem. ‘The Seam’ ? La couture ? La fracture recousue, peut-être : ce musée est installé dans un ancien poste militaire israélien sur la ligne verte, séparation entre Israël et la Cisjordanie jusqu’en 1967 en plein centre de Jérusalem.
Dès l’entrée, deux énormes bébés de 3 mètres de haut, un garçon et une fille, construits avec des sacs plastiques ordinaires sont animés par une soufflerie : ils se redressent et s’abaissent dans une inquiétante et monstrueuse chorégraphie. Jouent-ils ? Luttent-ils ? leur vulnérabilité (une épingle crèverait le plastique) ne diminue pas leur caractère menaçant. Giant Babies, du Canadien Max Streicher.
Plus loin, je retrouve avec plaisir Charles Sandison, mais il n’est plus question ici de Monet et des Nymphéas. Sur un écran, cinq ou sept sources lumineuses génèrent des nombres (je crois de 1 à 256) comme un jaillissement, un bombardement; ces nombres flottent à travers le champ de l’écran, se rassemblent et, peu à peu, composent des images, où on devine des photos d’enfants. Je crois reconnaître la célèbre photo du ghetto de Varsovie, peut-être, puis d’autres photos d’enfants. L’image vibre, tangue, puis se décompose : les chiffres sont comme avalés par les sept points sources, comme des trous noirs. Un va-et-vient entre images à peine formées et chiffres informatiques, domaine dans lequel Sanderson excelle, et qui ouvre une réflexion intéressante sur les rapports entre chiffres (ou lettres) et formes artistiques, entre numérisation et réalité. (God doesn’t play dice with the universe)Pavel Wolberg, qui exposa à la Mairie de Paris il y a deux ans, est un des plus intéressants photographes israéliens contemporains issus du photo-journalisme. Le texte d’Erez Schweitzer sur son travail et ce qu’il révèle de la société israélienne est une lecture obligée ! Wolberg montre ici des photos de l’opération de l’armée au camp de Jenine en 2003.
Une des salles du musée a conservé une meurtrière par laquelle les soldats surveillaient l’ennemi et tiraient. Il est assez marquant que ce soit dans cette salle que la conservatrice de l’exposition ait choisi de montrer la vidéo Beach de Guli Silberstein. Pendant cinq minutes, sur un rythme hyper-saccadé, alternent des images brouillées, heurtées : une famille à la plage à Tel-Aviv, pleine de joie et de bonheur, avec les jeux des enfants; et, cent kilomètres plus au sud, une petite fille courant sur la plage à Gaza sous les bombardements, et finalement, s’effondrant, morte. Il y a bien sûr une volonté de l’artiste de confrontation morale, mais surtout le rythme haché, le son fantomatique et les images déformées font perdre toute perception, comme un tourbillon qui nous imposerait des images que nous ne voulons pas voir, des horreurs que nous ne voulons pas connaître. La meurtrière derrière nous est-elle une protection ou un élément de distorsion ? Enfin, pour continuer dans l’angoisse, mais sur un ton plus léger, la balançoire de Carsten Höller sur la superbe terrasse : Dur, dur d’être un bébé ….Photos provenant du site du Musée, sauf la dernière, de l’auteur.