Quand une néo-banque atteint ses limites

Publié le 05 août 2021 par Patriceb @cestpasmonidee
Le rapport annuel publié par Monzo à la fin juillet 2021 livre une vision contrastée d'une néo-banque pourtant modèle, entre succès commercial et pertes conséquentes, assortie d'une alerte sur sa viabilité. Cinq ans après sa naissance, voilà l'occasion de revisiter quelques idées préconçues sur ces trublions qui semblent maintenant voués à l'échec.
Parmi les bonnes nouvelles, la jeune pousse annonce avoir conquis 1 million de clients supplémentaires au cours de l'année 2020, majoritairement par bouche-à-oreille, pour un total qui atteint désormais 5 millions, et elle souligne une croissance marquée de ses revenus, à 79 millions de livres. En revanche, ses pertes sont au même niveau que sur son exercice précédent, à 115 millions de livres, et elle signale un risque non négligeable d'issue fatale si elle ne parvient pas à lever des fonds suffisants d'ici à 2022.
La première leçon à tirer de cet exemple est la correction d'une grossière erreur d'estimation. Il y a quelques années, ceux qui se lançaient dans l'aventure de la néo-banque considéraient qu'il leur fallait 100 à 150 millions de dollars sur environ une décennie pour parvenir à l'équilibre. Monzo, qui n'est pas la plus dépensière, en est déjà à presque 500 millions de livres et elle est loin de la rentabilité : l'efficacité opérationnelle promise grâce à la technologie n'est finalement pas si facile à concrétiser.
La description du modèle économique envisagé à long terme est une autre source de désillusion en regard des espoirs des débuts. En comptant sur les 3 piliers traditionnels que sont les commissions d'interchange (perçues sur les transactions par carte), les abonnements à ses services premium (agrégation de comptes et assurance voyage, en simplifiant) et les intérêts des crédits (en forte baisse avec la crise sanitaire), Monzo a définitivement rangé aux oubliettes ses velléités d'approche différente de son métier.
Que lui reste-t-il alors pour faire la différence vis-à-vis de la concurrence (pléthorique) ? La startup ne peut guère compter que sur son expérience client et sa qualité de service exceptionnels – qui lui valent des scores de satisfaction hors normes – déclinés cependant sur une gamme de produits relativement classique. Si ce sont, de toute évidence, ces qualités incontestables qui lui permettent de séduire tant d'adeptes, ces derniers ne paraissent malheureusement pas enclins à payer afin d'en bénéficier.
La faible proportion de personnes ne se contentant pas de l'offre gratuite (elles sont 210 000) tend à démontrer, dans une certaine mesure, la valeur accordée à ces caractéristiques distinctives. Soit qu'elles ne soient pas perçues si avancées par rapport aux autres établissements (qui, bien sûr, font régulièrement des progrès en la matière), soit qu'elles soient jugées simplement normales à l'ère « digitale », ce qui attire en priorité les utilisateurs est donc fondamentalement lié au prix avantageux du service proposé.
Il serait bien triste de voir disparaître une des néo-banques les plus intéressantes de la décennie écoulée, mais il faut également être réaliste : la révolution qu'on en attendait n'a jamais eu lieu et rien ne laisse entrevoir qu'elle surviendra plus tard, du moins avec cette génération d'acteurs. Elle n'en laissera pas moins une empreinte indélébile sur le marché, la plupart des institutions financières historiques commençant à appréhender à son contact (et à celui de ses consœurs) les nouveaux besoins de leurs clients.