Il existe un type de cannabis sous-étudié, celui justement qui est consommé, un cannabis souvent riche en THC. Cette équipe de l’Université d'État de Washington (WSU) – menée dans un état dans lequel la consommation récréative de cannabis est légale-, montre l’absence d’effet particulier de ce type de cannabis, concentré en THC -le cannabinoïde psychoactif du cannabis- sur la plupart des capacités cognitives des utilisateurs, notamment lors de tests de prise de décision et vs des non-consommateurs. En revanche, l’étude, publiée dans les Scientific Reports, identifie quelques effets de ce cannabis récréatif sur la mémoire.
Alors qu’avec sa légalisation, le cannabis est de plus en plus largement utilisé, que les bénéfices du cannabidiol (CBD), son autre cannabinoïde majeur sont de mieux en mieux documentés, ces travaux, publiés dans les Scientific Reports contribuent à poser les limites de son efficacité et de son innocuité.
Bien que ces résultats soient en ligne avec ceux de précédentes recherches généralement menées avec des cannabis « moins concentrés », l’étude est l'une des rares à étudier les effets cognitifs du cannabis « chargé » (plus de 10 %) en Δ-9-tétrahydrocannabinol (THC), son principal ingrédient psychoactif. En effet, « en raison des restrictions imposées aux chercheurs, il n'était tout simplement pas possible d'étudier les effets aigus de ces produits à forte concentration », explique l’auteur principal, Carrie Cuttler, psychologue à la WSU : « Dans les états où le cannabis est légal, les gens ont un accès très facile à un large éventail de produits à base de cannabis, dont aux concentrés de cannabis extrêmement puissants pouvant dépasser des taux 90 % de THC pourtant la très grande majorité des études porte sur des cannabis avec moins de 10 % de THC ».
Du cannabis plus intense pour la recherche aussi
Aux Etats-Unis comme en France, le cannabis est toujours considéré comme une substance avec risque élevé de dépendance. Ce qui n’est plus le cas du cannabidiol : le cadre légal européen impose néanmoins que toute forme de CBD commercialisée soit préparée et garantie comme ayant un taux de THC inférieur à 0,2%. Jusqu'à récemment, aux Etats-Unis, les chercheurs intéressés par l'étude du cannabis se limitaient à utiliser des plantes à faible taux de THC (<6%) fournies par le National Institute of Drug Abuse (NIDA/NIH). En juin, la Drug Enforcement Administration des États-Unis a indiqué qu'elle pourrait autoriser certaines entreprises à commencer à cultiver du cannabis plus concentré à des fins de recherche.
Etudier les effets du cannabis concentré en THC, c'est donc bien l'objectif de cette recherche débutée en 2018. Les 80 participants à l'étude achetaient leurs propres produits et les utilisaient chez eux. Ainsi, les chercheurs n'ont jamais manipulé le cannabis par eux-mêmes. Les participants, âgés de plus de 21 ans, n'ont pas été non plus, remboursés de leur achat cependant ils étaient rémunérés pour leur participation par des bons d’achat Amazon. Ces participants étaient des consommateurs déjà « expérimentés » de cannabis et exempts d’antécédents de réaction négative, comme des attaques de panique par exemple.
Les participants ont été répartis en 4 groupes :
2 groupes utilisaient des fleurs de cannabis avec plus de 20 % de THC mais
- 1 contenant du cannabidiol (CBD), un composant non psychoactif du cannabis,
- l'autre sans CBD ;
- un autre groupe « vapait » un concentré de cannabis contenant plus de 60 % de THC avec du CBD ;
- le 4è groupe ne consommait pas de cannabis (groupe témoin).
L’expérience constate :
quant aux capacités de décision : absence d’effet pour tous les groupes, l’absence totale d’effets lors de toute une série de tests de prise de décision, y compris la perception du risque et la confiance en ses connaissances ;
quant à la mémoire :
- absence également de différences significatives entre les groupes de consommateurs et non-consommateurs de cannabis en particulier sur la mémoire prospective -ou capacité de se souvenir d’avoir à faire des choses plus tard et sur la mémoire temporelle- ou capacité de se souvenir de la séquence d’événements précédents.
- les groupes qui ont fumé des fleurs de cannabis contenant du CBD obtiennent de moins bons résultats en rappel verbal libre (se rappeler de mots ou d'images qui leur ont été précédemment montrés), vs témoins ; l’étude s’inscrit ici en faux vs de précédentes recherches : le CBD pourrait avoir cet effet négatif sur le rappel de mémoire ;
- les groupes qui ont utilisé du cannabis sans CBD ou du cannabis concentré en THC obtiennent de moins bons résultats sur la mémoire source ou capacité de distinguer la manière dont les informations précédemment apprises sont présentées ;
- les 2 groupes consommateurs de cannabis obtiennent de mauvais résultats à un test de « fausse » mémoire consistant à leur demander si un nouveau mot leur avait déjà été présenté : la consommation de cannabis rend les participants plus susceptibles de répondre que c’était le cas ;
- la consommation de concentrés puissants contenant des taux > à 60 % de THC n’induit pas d’effets supplémentaires ou exacerbés par rapport à la consommation de cannabis à taux moyen de THC : ici, les auteurs suggèrent que les consommateurs sont capables de « s’auto-réguler ».
Ainsi, globalement, si l’étude précise les effets de chaque type de cannabis sur la mémoire et d’autres fonctions cognitives, elle suggère que consommer du cannabis fort en THC n’augmente pas significativement « les dommages » :
« Il y a eu beaucoup de spéculations sur le fait que ces concentrés de cannabis très puissants pourraient amplifier les conséquences néfastes, mais il n'y a eu presque aucune recherche sur ces cannabis plus forts en THC. D’autres recherches seront donc nécessaires avant de pouvoir conclure, mais il est encourageant de voir que ces cannabis, plus concentrés n'augmentent a priori pas les dommages cognitifs ».
Source: Scientific Reports 02 July 2021 DOI: 10.1038/s41598-021-93198-5 Acute effects of high-potency cannabis flower and cannabis concentrates on everyday life memory and decision making
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Équipe de rédaction SantélogJuil 31, 2021Rédaction Santé log