Il, c'est Giacomo Casadio. Elle, c'est Viollca Toska, une Tsigane. Elle l'avait remarqué, elle aussi. Mais, au contraire de lui, elle s'en était approchée, avait regardé ses paumes et y avait lu que c'était lui qu'elle attendait depuis longtemps.
C'est avec l'union de Giacomo et de Viollca, en 1800, que commence la saga des Casadio, que raconte Daniela Raimondi et, par alliance avec eux, au début du siècle suivant, celle des Martiroli, dont l'un des couples eut beaucoup d'enfants.
Tout au long de l'histoire des Casadio, Le sortilège de Stellata, village de la plaine du Pô, semble atteindre certains d'entre eux. Car il est bien difficile de démêler si ce sortilège relève de la superstition ou est une manifestation du surnaturel.
Viollca a surpris Giacomo par son habitude bizarre de laisser tous les soirs un bol de lait sur la marche devant la porte d'entrée, pour le serpent protecteur, au ventre blanc, sans venin, qui, selon les Tsiganes protége les dormeurs d'un logis:
Si le serpent était tué, un membre de la famille mourrait et une succession de malheurs s'abattrait sur les survivants.Viollca guérissait par les plantes et lisait l'avenir dans les tarots. Ce n'est qu'après la mort tragique de Giacomo qu'elle renouera avec ses interrogations du sort par les cartes, et, ce qu'un jour elle y verra, la confirmera dans son pressentiment:
En l'épousant elle avait fondée une lignée de rêveurs, d'êtres mélancoliques destinés à souffrir, exactement le sort qu'avait subi son mari.Le fait est qu'une partie des descendants seront des rêveurs. Qu'ils accomplissent leurs rêves ou y renoncent, des morts tragiques jalonneront leurs existences, d'aucuns parleront avec les morts, d'autres auront des dons divinatoires cachés:
La moitié a la peau claire et les yeux bleus [...], et l'autre moitié a la peau mate et les yeux noirs...Cette saga se passe surtout en Italie, au cours des XIX e et XX e siècles. L'auteure en restitue avec justesse l'histoire complexe, propice aux engagements, auxquels des rêveurs de la famille, mus par une force secrète , prennent quelque part.
Viollca avait-elle eu tort d'être persuadée que d'être des rêveurs était une malédiction pour sa descendance? En tout cas une de ses descendantes se pose la question et se met à penser que les prémonitions funestes de la famille vont cesser:
Peut-être que c'étaient précisément les rêves qui faisaient vivre les gens...Francis Richard
Le Sortilège de Stellata, Daniela Raimondi, 528 pages, Slatkine & Cie (traduit de l'italien par Manuela Corigliano)