Le groupe ToNNe nous embarque avec Roald Amundsen, navigateur explorateur qui a franchi le premier le Passage du Nord-Ouest rejoignant l’océan Pacifique à l’océan Atlantique. Avec cette compagnie, il ne faut pas s’attendre à faire du sur-place ; elle parvient à nous entrainer, certes pas très loin mais, quand la Gjoa, le bateau d’Amundsen, quitte le port, tout l’équipage tire le navire et le public suit le mouvement. La traversée ne sera pas de tout repos, on s’en doute : elle durera trois ans. Trois ans pendant lesquels il faudra subir une incroyable tempête (dont je garde encore les images en moi), rester bloqués dans les glaces, rencontrer les Inuits (l’un des marins dira qu’il a trouvé sa place chez les Inuits)… C’est le début du XXe siècle, la concurrence est rude entre les explorateurs et les découvertes qui les exaltaient alors nous laissent aujourd’hui beaucoup de questions. Pour le groupe ToNNe, raconter les exploits de ces marins ne peut se faire sans un regard critique. Ainsi, représenter les Inuits de manière folklorique ne saurait être satisfaisant : un texte d’une poétesse inuk, Elisapie, vient à juste titre rétablir la vérité des mauvais traitements subis par les peuples autochtones à qui les conquérants ont voulu interdire les langues et les cultures. L’équipage alors nous fait entendre ce texte d’Elisapie et un chant choral puissant. La musique est toujours présente dans ce spectacle. L’aventure était pour les marins : pas une femme à bord, on prétendait que ça portait malheur. La compagnie a, pour sa part, choisi de confier les rôles à des comédiens et des comédiennes. Un siècle après l’histoire de la Gjoa, le monde n’est plus le même : il fallait bien en tenir compte. Les applaudissements nourris qui saluent la performance du groupe ToNNe saluent aussi sa capacité à le montrer.