Les 2 Alfred marque le grand retour des frères Podalydès après le très beau Adieu Berthe. Pour une comédie actuelle dont l'efficacité étouffe toute poésie.
Les 2 Alfred est le premier film de Bruno Podalydès à ne pas s'éloigner des sentiers battus. Cinéaste de l'indécision, de l'errance et de la poésie enfantine directement héritée de Mon Oncle de Jacques Tati, le neuvième long-métrage de l'acteur, scénariste et réalisateur se veut une comédie d'anticipation de quelques minutes près, prenant pour décor le monde aseptisé des start-up et de la libéralisation du travail. Si la confrontation entre l'univers anachronique du cinéaste et notre époque aurait pu être un sacré terrain de jeux, Les 2 Alfred se perd pourtant dans une efficacité comique étouffant toute poésie.
I-Podalydès
Chaque film de Bruno Podalydès était prétexte à une fuite. Ses dernières très belles échappées abordaient ainsi au passage le deuil dans Adieu Berthe, et la crise de la cinquantaine dans Comme un avion en s'entourant à chaque fois de nouvelles muses venues rejoindre sa troupe d'habitués, de Valérie Lermercier en passant par Agnès Jaoui et Sandrine Kiberlain. Les 2 Alfred fait ainsi rejouer à cette dernière une responsable froide et hyperconnectée semblable à sa prestation césarisée pour 9 mois ferme d'Albert Dupontel.
Ici, nul question de fuite, mais du passage à l'âge adulte d'un cinquantenaire abandonné pour tromperie par sa femme ( Denis Podalydès, également co-scénariste), en proie à ses deux enfants et à un nouveau job dans une start-up qui refuse tout employé susceptible d'être parent. Passé le plaisir de la rencontre entre les deux frères, Bruno Podalydès dévoile ainsi une mécanique comique tenue qui trouvera l'un de ses sommets dans une chasse aux drones avec le fidèle Jean-Noël Brouté. Si les longs-métrages du cinéaste étaient propices à la suspension, la poésie et la rêverie, Bruno Podalydès rejoue ici une compilation de ses précédents longs-métrages dans une comédie efficace mais manquant ainsi cruellement de charme.
Poème et Apple
Comme si l'univers du réalisateur s'était lui aussi uberisé, la poésie et la surprise n'y sont plus, y préférant un tempo comique tenu qui ne permet jamais à son récit ni même à ses personnages de respirer. Et cette efficacité ne sied guerre à un cinéaste qui s'était trouvé une place et un univers à part au sein du cinéma français. Chaque nouveau projet était ainsi synonyme d'une bulle à part, où la même troupe rejouait à bras ouverts le bonheur, la poésie et la nostalgie de l'enfance.
Tout cela semble s'être perdu, aseptisé, dans une tambouille qui loin d'être désagréable ne touche jamais la corde sensible, l'ayant troqué pour un cordon USB qui peut recharger les téléphones mais hélas pas les cœurs.