panser

Publié le 24 juillet 2021 par Modotcom

j'ai remarqué avant-hier
que c'est très près de montréal
qu'on tombe dans lanaudière
aussitôt traversée la rivière des mille-îles
en arrivant à terrebonne

mais il nous faut rouler encore
un bon vingt-cinq kilomètres sur la vingt-cinq
avant de sentir la campaggne

au bout de la vingt-cinq
on arrive à st-esprit
et si l'on continue tout droit 
sur la cent cinquante-huit est
on s'en va à joliette
par les beaux champs et villages
de st-alexis et st-jacques
mais si l'on garde sa gauche
les deux voies de gauche nous mènent
à la cent vingt-cinq
vers ste-juilenne rawdon et st-donat
en passant accessoirement par chertsey
et je ne sais pas pourquoi
le panneau vert de transport québec
ne l'indique pas
que l'on va aussi à chertsey par là

mais bon

donc avant d'arriver à ste-julienne
là où l'on habite son bonheur
oui c'est le slogan de la ville
il faut faire un croche au benny de st-esprit

nous y sommes arrêtés le premier jeudi soir
en finissant de travailler en ville
après avoir chargé une base de futon
et une chaise suédoise
dans la remorque
que l'homme-chat s'est dénichée à st-bruno
sur kijiji
attachée à l'utilitaire sport hybride
plein à craquer de vaisselle draps et serviettes
pour le chalet

au benny de st-esprit le jeudi
il y a une terrasse qui donne sur le stationnement
adjacent au cimetière de la municipalité
y sont garés des pick-ups comme on le devine
des camions et une remorque à chevaux
il paraît que ça vaut cher
une remorque à chevaux de course
pouvant abriter le cheval et le jockey
pour les déplacements entre les compétitions
mais il ne s'agissait pas d'une telle remorque
c'était plutôt un truc en métal haut
avec des trous de ventilation

bref on nous a regardé débarquer
au benny de st-esprit
je me sens toujours un peu ciblée par les regards
lorsque je sors de la ville
c'est un réflexe de minorité visible
dès que je ne suis pas dans une ville
je me sens visée
plus à st-esprit
qu'à chicago
c'est dans ma tête peut-être
mais c'est assez fort
pour que je ne débarque pas
au benny de st-esprit toute seule
c'est fort de même dans la tête des races

y soupaient un jeudi soir
quelques couples
une mère monoparentale et sa fille
dont elle coupait les ongles d'orteils après avoir mangé
des golfeurs ou des hommes d'affaires habillés en golfeurs
parce qu'on s'entend
de vrais golfeurs ça soupe pas au benny
ça soupe au clubhouse du terrain de golf
des groupes de jeunes
des couples d'amis
et nous autres
bref tout le monde dans le coin
qui avait le goût de sortir un jeudi soir
manger des frites et du poulet rôti
en buvant de la bière ou un bloody caesar
en profitant de l'air frais
et de la scène mondaine

le poulet du benny
il accote amplement le st-hubert
les frites sont bonnes et la sauce également
la coleslaw n'est pas vargeuse
mais dans le style
c'est une gratification instantanée
et c'est souvent ça que l'on veut dans la vie
se faire plaisir vite vite plein plein
d'ailleurs c'est qui l'intrus qui ne se prend pas
une frite entre l'index et le pouce
qui ne la trempe pas dans la cup de sauce brune
et ne se la fourre pas dans 'yieule
aussitôt l'assiette déposée sur la table
vous me le direz

je ne sais pas si l'on va retourner
au benny de st-esprit le jeudi
car dorénavant on transporte carlito dans la voiture
et on fait donc le trajet palace chertsey
en une seule étape
pour arriver le plus vite possible
mais c'est agréable comme endroit
on le revisitera sûrement
à un autre moment

et ça prépare certainement
pour l'arrêt au restaurant shamrock
du camping shamrock à rawdon
où l'on a déjeuné samedi matin dernier
pendant que les anciens occupants de la maison
continuaient à la vider
on y a mangé des oeufs bacon toasts pétaques
pour soixante-dix pourcent du prix en ville
il y a aussi une crèmerie au camping shamrock
mais nous ne l'avons pas encore essayée
je ne sais pas comment c'est
les crèmeries de camping
je vous en reparlerai
mais le déjeuner sur la terrasse
contenant quatre tables à pique-nique
et deux panneaux géants d'interdiction de fumer
nous donne à voir le spectacle du trafic
sur la cent vingt-cinq là où se rencontrent
un grand bout sinueux d'autoroute descendant à pic
une rue résidentielle
l'entrée et la sortie du camping shamrock
la traverse de la piste de quatre roues
et les aléas du stationnement du restaurant
bref ça roule vite
et tous les ingrédients d'un bon accident y figurent
mais on a été chanceux ce matin-là
il n'y en a pas eu

il y a aussi le casse-croûte cent vingt-cinq 
où on paye juste comptant
et la crèmerie à ste-julienne
puis le provigo à chertsey où nous avons déjà
fait deux fois des emplettes
ainsi que la boulangerie artisanale
où les nouveaux résidents peuvent avoir un pain gratuit
et la boucherie artisanale aussi qui est fermée le lundi
et le stand de fruits et légumes
à côté du ultramar
où l'on va sûrement aller se ravitailler
cet après-midi
de produits que l'on pense bien avoir grandi ici

et sur la cent vingt-cinq
il y a un terrain vague proche d'un autre camping
où l'homme-chat me dit toujours à la blague
qu'il ouvrira un restaurant mobile
de smokehouse barbecue
tout est grand et vaste ici
des montagnes de possibilités
est le slogan de chertsey
alors allez savoir si cela ne se réalisera pas un jour
il a le droit de rêver
et moi de rire

je constate encore une fois
qu'on découvre une localité
par ses arrêts gourmands
que même si s'alimenter est un besoin essentiel
les restaurants comblent beaucoup plus que cela
ils permettent à chacun
de prendre le pouls d'une communauté
ils permettent aux nouveaux d'arriver
et de tranquillement s'installer
ce sont des lieux d'accueil et d'intégration 
les shacks casse-croûtes fast food de bords de routes
et pour les plus audacieux
les micro-brasseries les bistrots
les restaurants gastronomiques
comme une seule colombe au bic
sont des repères dans la brume
où l'on débarque on se dépose
on récupère on se ressource
on observe on entre
on arrive
on vit.