Rouge de Farid Bentoumi : un très bon film écologique ET psychologique

Par Bottines

J'ai vu ce film en projection presse il y a plusieurs semaines. J'en avais écrit la critique sur un Word, puis perdu mon article, en même temps que mon (ex-)ordinateur rendait son dernier souffle sans crier gare. C'est donc avec des souvenirs malheureusement un peu lointains que je vais vous parler aujourd'hui de ce long-métrage de Farid Bentoumi.

Première chose dont je me rappelle : je l'ai beaucoup aimé. J'ai trouvé les personnages principaux (le père, la fille ainsi que la journaliste) tous très attachants dans leur volonté d'aller au bout de convictions et valeurs qui leur paraissent justes. Parfois jusqu'à l'aveuglement. Le père, interprété par Sami Bouajila, défend bec et ongles les emplois des salariés de l'usine dans laquelle il travaille. Le pire semble être pour lui de perdre un jour sa place. Alors il s'y accroche, quoi que cela lui en coûte, et estime normal d'en faire autant pour les autres.

Sauf que sa fille Nour, campée par Zita Hanrot, va rapidement comprendre que cette usine que son père met tant d'énergie à préserver n'est pas si précieuse. Pire, qu'elle met en danger les gens qui y travaillent. Alors qu'elle y est embauchée comme infirmière, elle va mettre le nez dans un sac de noeuds : les employés ont été très mal suivis médicalement depuis de nombreuses années, et certains sont mal en point. Mais son père l'enjoint de garder cette découverte pour elle, au risque de voir l'usine fermer ses portes...

D'autant plus qu'une journaliste semble bien décidée à prouver que celle-ci rejette de dangereux polluants en pleine nature. Poussée par un profond sens du devoir, Nour va se rapprocher d'elle et l'aider à enquêter... Quitte à se mettre à dos son père qui l'aime et qu'elle aime tant. Le film est très intéressant en ce qu'il transcrit parfaitement le choc des générations, entre celle du père prête à tout par peur du chômage, et celle de la fille, plus éveillée aux problématiques de santé et d'environnement. Rappelons d'ailleurs à ce propos que le film est inspiré de différents faits réels dont le scandale de l'usine de Gardanne qui rejette ses déchets toxiques dans la Méditerranée. Et que le titre "rouge" fait référence à la couleur des boues toxiques.

Il y a aussi une judicieuse illustration du conflit pouvant exister entre la fidélité/loyauté aux gens que l'on aime, et nos convictions. En découle également une réflexion très intéressante sur les notions de courage et lâcheté. Finalement, les trois personnages principaux sont tous infiniment lâches et courageux à la fois : le père se bat pour les emplois mais ferme les yeux sur les problèmes sanitaires de l'usine. La journaliste (Céline Sallette), elle, se donne à fond dans son enquête mais envoie Nour au casse-pipe quitte à lui faire courir de grands dangers et l'exposer à une rupture familiale totale. A sa décharge, elle est enceinte et ne peut donc pas vraiment mettre les mains dans le cambouis.... Quant à Nour, elle tient sa volonté farouche de préserver la santé des employés de l'usine d'une grave erreur passée : elle a laissé mourir une dame dans le couloir de l'hôpital où elle exerçait auparavant, ce qui lui a valu une mise à pied et beaucoup de remords.

Bien plus qu'un thriller écologique comme il est présenté sur l'affiche, on découvre aussi un grand film sociétal et psychologique, tout en nuances. Rouge, en salles le 11 août 2021