Critique des Hauts de Hurlevent, d’Esteban Perroy d’après Emily Bronté, vu le 18 juillet au Théâtre des Gémeaux
Avec Guillaume Sentou, Flavie Leboucher, William Mesguich, Gwendolyn Gourvenec, Esteban Perroy, Viviane Marcenaro, Elisa Birsel et Wilfried Richard, dans une mise en scène de William Mesguich
L’un des spectacles que j’avais sélectionné étant complet, je me suis retrouvée avec un trou dans mon planning. Or tout le monde sait que le trou est l’angoisse ultime du festivalier : plutôt que de songer à se reposer, il faut tout de suite qu’il se mette en recherche d’un nouveau spectacle à se mettre sous la dent. Or, comme je m’extasiais à la fois de la beauté de la façade et de la longue queue de spectateurs qui s’allongeait dans la rue à chaque fois que je passais devant les Gémeaux, c’est dans sa programmation que j’ai cherché mon nouveau spectacle. Et j’ai trouvé.
L’adaptation d’Esteban Perroy commence lorsque Heathcliff devient propriétaire des Hauts de Hurlevent, c’est-à-dire largement après le début du roman originel. On le découvre dans toute son horreur, nourrissant une rage contre tous les personnages qui composent l’histoire sauf pour sa sœur de lait, Catherine, qu’il aime depuis qu’il est enfant. Devant sa tyrannie, son frère de lait, Hindley, tente de le tuer par différents moyens, aidé par son beau-frère Linton, époux de Catherine.
Le hasard veut que j’ai lu Les Hauts de Hurlevent durant mon premier confinement. J’ai vraiment adoré. Je me demandais bien comment il allait pouvoir adapter ce roman fleuve – mettons au moins grande rivière – sur scène. La réponse est plutôt simple : il n’a pas pu. Le roman est trop long, trop complexe pour être rendu sur scène en 1h30. Il a donc suivi le chemin initial proposé par Émily Brontë mais s’est autorisé quelques routes adjacentes à partir des personnages que l’on connaît… pour un rendu fatalement moins intense. On regrettera notamment le style parfois un peu emphatique et les ellipses, nécessaires à avancer dans l’histoire dans le temps imparti, mais qui provoquent une certaine confusion et un manque de clarté si bien que je suis passée un peu à côté de la fin.
Malgré tout, Mesguich parvient à créer une atmosphère plutôt convaincante. Même si ce n’est pas ce que je préfère, il faut reconnaître que ses lumières aux couleurs franches fonctionnent bien : non seulement elles accentuent les traits horrifiques de son maquillage, mais elles contribuent à insuffler cette ambiance de train fantôme qui correspond bien à l’idée qu’on se fait de Hurlevent. Dommage que les transitions entre les scènes soient trop nombreuses et trop lentes : les comédiens déplacent des accessoires comme au ralenti, et cassent un rythme déjà un peu à la peine.
Pas la peine d’insister davantage, je pense que c’est clair : je n’ai pas passé la meilleure soirée de ma vie. Néanmoins, j’ai pris une petite claque devant la composition de William Mesguich. C’est un acteur que j’avais finalement rarement vu au théâtre, mais qui fera désormais partie de ma sélection. Son Heathcliff est effrayant, quelque part entre un vampire et un ectoplasme. On sent qu’il a déjà quelque affinité avec les morts. Il est d’une précision diabolique, il occupe l’espace de son intense noirceur. Il est… impressionnant. A ses côtés, les autres comédiens peinent à convaincre, excepté Guillaume Sentou, remarquable dans le rôle d’Hindley malgré une partition monotone.
Adapter Les Hauts de Hurlevent au théâtre n’était sûrement pas la bonne idée. Mais faire jouer Heathcliff à William Mesguich, ça, c’était vraiment dans le mille.