la porte hypnozofale de Bragadin
( ou l'étrange cas du docteur paradoxal
plongé sur son propre K... )
Très chers patients et vénérées patientes
de m'avoir tant attendu,
Un souffle brûlant soulève de plaisir les jupes mentales
de mes neurones, avides de vous retrouver enfin,
marylin après tout ce temps perdu à la recherche acharnée de nouveaux principes de réflexion paradoxale!
Loin de vous avoir oublié dans les tirwouars noirs
de mon bureau, j'ai profité de ce temps pour lentement apprivoiser le mystère du "ludion de Monalala"
qui, nul ne saura jamais pourquoi,
avait été enferdedantérisé
dans un flacon de parfum fossile
comme une mouche baltique
dans une larme d'ambre de Van Eyck.
Tandis que le petit papillomane virevoltait dans sa paroi de cilice en me faisant des clins de cils je tirai doucement
"ma paille filosforale"
et soufflai, à la manière des enfants de Murano
dans leur grenadine dans l'air usé qui lui servait d'atmosphère. Ceci eut pour effet de faire sauter le bouchon de cristal
et de libérer la créature luminescente
de sa prison transparente.
J'eus à peine le temps de réajuster la paille
qui me servait accessoirement de pince à cravate
sur le plastron de ma chemise en fonte de chez Satie&sons
que,déjà ravigorizé, le petit être s'était posé
au moyen d'un bel arabesque sur mon épaule gauche.
Il se mit à siffloter un air étrange et j'en reconnus la mélodie comme étant l'autre goutte d'eau de
"L'aqua vita"
que j'avais entendu dans un sotoportego
près de l'arrêt Ospedale quelques lustres auparavant .
Toutefois les paroles étaient changées mais il me suffisait de choisir l'un ou l'autre côté du tain vieilli pour lire à mon aise l'une ou l'autre version du même thème...
Bien plus que me donner la clé du mystère il m'offrait l'occasion paradoxale mais délicieuse de regarder furtivement
par la serrure de mes rêves anciens...
en voici un semblant de traduction en forme de miroir :
AQUA FORTE AQUA VITA
Au début c'est l'alcool Au début c'est de l'eau
qui nourrit mes paroles qui baigne les enfants
c'est une encre,une eau forte c'est une liqueur d'amour
qui vers toi les transporte qui leur fait voir le jour
du palais Bragadin et puis l'eau des piscines
gravé dans ma mémoire qui doucement apprend
reste cette épreuve au noir à dompter l'élément
sur ce papier zigrino et sa nature marine
Je jetai un oeil au ludion,mon double improbable
qui rétrécissait à une vitesse prodigieuse pourtant,
plus son cuir rétrécissait
et plus sa voix prenait de l'ampleur!
Je pouvais percevoir un léger flottement de petites vagues,
giflant en rythme les berges de pierre de ma mémoire et le parfum entêtant, à peine iodé de la lagune de mon intranquillité.
Le ludion finit par disparaître, la pluie se mit à crépiter sur la vitre de ma chambre, alors je portai mon regard sur la table de nuit où reposait un beau volume du
"HAZAR AFSANAH",
berceau perdu des Mille et une nuits,
relié en peau de lion de Perse et allumais la lampe spiritueuse qui me servait d'éclairage tard le soir.
Juste à côté il y avait deux petits verres, l'un rempli d'eau et l'autre d'al kohol c'est à dire de noir étymologique.
Le miroir du petit air que je venais d'entendre me décida à boire les deux car, en médecine paradoxale, un miroir se contemple de préférence des deux côtés à la fois, à fin de mieux pénétrer
dans la double intimité des rêves.
J'allais ainsi pouvoir explorer en profondeur la forêt
de mon esprit, où, très probablement enfouies au tréfond d'un enchevêtrement d'imprégnations noueuses
comme des lianes de l'Orénoque,
survivaient les tribus inviolées et farouches de
mes pensées primitives.
Ortolas Picon