Seamus Heaney – Post-scriptum

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Prends un beau jour le temps d’aller à l’ouest
Jusqu’au comté de Clare, le long du Flaggy Shore,
En septembre, en octobre, quand le vent
Et la lumière se définissent l’un l’autre
Si bien que l’océan d’un côté se déchaîne
Sous l’écume scintillante et qu’à l’intérieur des terres
Parmi les pierres la surface du lac d’ardoise s’éclaire
De la foudre atterrée d’une troupe de cygnes,
Plumes rêches hérissées, blanc sur blanc,
Têtes amplement déployées, obstinées,
Enfouies ou dressées, s’affairant sous l’eau.
Il est vain de penser te garer pour saisir cela
Plus pleinement. Ni d’ici, ni de là-bas, tu es
Une hâte par où passent l’étrange et le connu
Quand de douces rafales agitent la voiture,
Prennent le coeur à l’improviste, le font éclater.

*

Postscript

And some time make the time to drive out west
Into County Clare, along the Flaggy Shore,
In September or October, when the wind
And the light are working off each other
So that the ocean on one side is wild
With foam and glitter, and inland among stones
The surface of a slate-grey lake is lit
By the earthed lightning of a flock of swans,
Their feathers roughed and ruffling, white on white,
Their fully grown headstrong-looking heads
Tucked or cresting or busy underwater.
Useless to think you’ll park and capture it
More thoroughly. You are neither here nor there,
A hurry through which known and strange things pass
As big soft buffetings come at the car sideways
And catch the heart off guard and blow it open.

***

Seamus Heaney (1939-2013)La lucarne suivi de L’étrange et le connu (Poésie/Gallimard, 2018) – Traduit de l’anglais (Irlande) par Patrick Hersant.