Gros titre : "C'est une ânerie judiciaire, institutionnel et politique"
En haut, au centre, à la droite du titre sur l'arrivée des doses Moderna,
notre affaire !
Il y a une semaine, le gouvernement bolivien révélait que l’Argentine avait envoyé des armes et des munitions en pleine répression des citoyens qui manifestaient pour le respect de la démocratie tandis que d’autres soutenaient encore l’élection (en soi contestable) de Evo Morales (qui avait outrepassé ses droits constitutionnels à se présenter à la présidence) par les partisans de Jeanine Añez, qui était en train de s’emparer du pouvoir et se trouve maintenant en prison pour rébellion contre l’ordre constitutionnel.
Cette livraison, prouvée par une lettre de remerciement d’un haut gradé de l’état-major de terre bolivien à l’ambassadeur d’Argentine alors en poste à La Paz, peut difficilement avoir été exécutée sans l’aval des pouvoirs publics argentins. Or le coup d’État en Bolivie s’est produit à la fin de novembre 2019 quand Mauricio Macri savait qu’il n’était plus président que pour quelques jours et qu’il devait céder sa place le 10 décembre à son successeur dans le cadre d’une alternance démocratique indiscutable. Il n’avait donc aucun légitimité à engager le pays dans une telle opération hors de ses frontières, et ce d’autant moins qu’une telle intervention dans un pays étranger est strictement interdite par le droit international.
Une enquête judiciaire a donc été lancée et elle débouche dès maintenant sur l’inculpation de cinq personnalités, dont quatre ont beaucoup varié dans leurs dénégations médiatiques : l’ex-président Macri, qui est toujours à Zurich (sans avion pour rentrer au pays à cause de la pandémie), sans l’aval duquel rien de tel n’aurait pu être possible ; l’ex-ministre de la Sécurité Patricia Bullrich qui a autorisé un escadron de gendarmes à accompagner le chargement puisque les gendarmes n’ont de compétence territoriale que sur le sol argentin ; l’ex-ministre de la Défense, Oscar Aguad, qui a dû donner son autorisation au décollage de l’avion militaire qui transportait la cargaison et l’escadron de gendarmes ; l’ex-ambassadeur qui a reçu la lettre de remerciement de l’armée bolivienne et semble avoir évité d’en informer son supérieur hiérarchique, le ministre des Affaires Étrangères, et enfin le commandant de gendarmerie qui dirigeait les opérations sur le terrain.
Jorge Faurie, l’ancien ministre des Affaires Étrangères, reste en dehors de la procédure. C’est le seul qui n’ait pas varié dans ses réponses aux journalistes : il a toujours affirmé que son ministère était étranger à ces manœuvres illégales. Peut-être a-t-il été court-circuité par l’ancien ambassadeur en Bolivie, lequel est un homme politique et non un diplomate de carrière (ce qu’est Faurie).
Place donc maintenant à l’instruction qui risque de durer de très longues années car les inculpés, qui ont les moyens de recruter les mieux cotés des avocats, lesquels ne manqueront pas de jouer de toutes les subtilités du code de procédure pénale pour retarder les échéances et noyer les magistrats sous les formalités.
L’information figure en une de Página/12 mais non pas en vedette : celle-ci est prise par la défense que Cristina Kirchner a présentée hier, en visioconférence, devant une cour dont elle attend de sortir blanchie par un non-lieu du dossier fumeux du Mémorandum avec l’Iran (1)
Les autres quotidiens, tous de droite, se montrent nettement plus discrets sur les ennuis judiciaires des caciques du macrisme. Leurs unes n’en parlent tout simplement pas.
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com
Pour aller
plus loin :
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
(1) Cet accord entre l’Argentine et l’Iran devait permettre à un magistrat argentin d’aller entendre en Iran deux suspects de l’attentat antisémite contre la mutuelle juive AMIA qui fit 86 morts et 300 blessés, dont beaucoup sont handicapés à vie. Pour cet accord, un juge d’instruction maintenant décédé l’a accusée de haute trahison mais c’est une interprétation plus que contestable du droit. En effet, cet accord a été ratifié par le Congrès (pourquoi donc accuser la présidente ?) et de surcroît, il n’est jamais entré en vigueur, puisqu’il n’a pas été ratifié du côté iranien.