Les assurés et les salariés. Médecins et laboratoires pharmaceutiques sont singulièrement épargnés. Si tout le monde partage le diagnostic d’un système de santé à bout de souffle, les moyens choisis par le gouvernement prennent l’allure de pansement sur une jambe de bois. Plus gênant, les efforts demandés semblent inéquitables. Plutôt que de couper dans les prescriptions abusives d’actes ou de médicaments, le gouvernement a fait le choix d’accroître les recettes.
Deux mesures se détachent. Dès l’an prochain seront créées une taxe sur le chiffre d’affaires des mutuelles et des assureurs ainsi qu’une contribution patronale sur l’intéressement et la participation des salariés.
Les Mutuelles ? Elles ont les moyens d’absorber ce nouveau prélèvement sans le répercuter sur les assurés a affirmé Roselyne Bachelot sur France Inter ce jour. Faux a aussitôt rétorqué par un communiqué le président de la mutualité française qui a indiqué que les assurés (qui peuvent encore se payer une mutuelle) seront mis à contribution. La ministre de la Santé, a plusieurs fois souligné que depuis quatre ans, les complémentaires santé ont relevé leurs cotisations de 30% et augmenté leurs bénéfices de 25%. « Une bonne santé qui contraste, considère-t-elle, avec les difficultés de l’Assurance maladie. » Roselyne Bachelot pointe sans s’y attaquer, on peut le regretter, à un système mutualiste qui s’est dévoyé au fil du temps et qui assure désormais à ses dirigeants de très confortables revenus dans une logique où le mercantile est bien présent.
Taxer les bénéfices pourquoi pas, mais dans ce cas comment expliquer que le secteur pharmaceutique habitué aux croissances à deux chiffres ne soit en rien inquiété ? Etrange système où ces grands groupes multiplient en toute impunité le lobbyng auprès des prescripteurs par une débauche de cadeaux en tous genres du restaurant au voyage d’agrément sous des prétextes fallacieux. La piste prometteuse du médicament générique qui devait être une source d’importantes économies a été complètement viciée, à l’exemple de ces génériques désormais plus chers que le médicament original.
La perversité vient d’un système libéral ou les revenus (prix du médicament et des actes) sont fixés par l’Etat qui va même jusqu’à garantir l’absence de concurrence à travers les numerus clausus dans les facultés. L’exercice touche aujourd’hui ses limites. Il faudra bien à un moment donné basculer dans un système ou un autre. Soit fonctionnariser l’essentiel des acteurs, soit assurer les conditions d’une réelle concurrence profitable aux comptes sociaux et à des patients confrontés à un pouvoir d’achat en baisse.
S’il est en effet un secteur qui illustre parfaitement le principe « mutualisation des pertes, privatisation des recettes », c’est bien celui de la santé. Dans une logique clientéliste les derniers gouvernements ont largement contribué à la revalorisation des revenus des médecins. Selon un rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, en 14 ans, le revenu des médecins spécialistes a progressé trois fois plus que celui des salariés et celui des généralistes 2,5 fois plus.
Le 20 janvier dernier, le quotidien Le Parisien s’attardait sur le contenu de cette note qui aurait du rester confidentielle. « Au final, en 2004, un généraliste gagnait en moyenne 63.000 euros net par an (5.250 euros par mois) tandis qu’un spécialistes émargeait à 108.000 euros net (9.000 euros par mois) », concluait le quotidien. Les dépenses communes des uns sont les revenus des autres. Depuis 2002 le tarif des consultations des généralistes a été relevé plusieurs fois passant de 17,53 euros à 21 euros soit une envolée de près de 20% en quatre ans même si, il est vrai elles n’avaient pas été revalorisées depuis avril 1998.
En février a été négocié le passage de la consultation de 21 à 23 euros, officiellement conditionné par des engagements sur la maîtrise des prescriptions. Un coup de pouce évalué à la modique somme de 600 millions d’euros par an, qui génèrerait, toujours selon Le Parisien « pour chaque blouse blanche, un bonus net de 633 euros par mois, et une nouvelle hausse salariale de 12% ».
Il ne s’agit pas de stigmatiser une profession mais d‘arriver à un effort partagé et équitable pour sauvegarder un système de protection sociale que les autres pays nous envient. Pharmacienne de profession, Roselyne Bachelot, prisonnière d’un système où l’assuré-contribuable est une formidable vache à lait pouvait-elle mettre un coup de pied dans la fourmilière ? Elle vient de prouver que non.
Crédit photo : Camille