Les étiquettes politiques sont parfois trompeuses. De nos jours, il semble que les idées des mouvements d'extrême-gauche sud-américains montrent plus d'affinités avec celles de l'extrême-droite française qu'avec le prêt-à-penser des bobos gauchos de Saint-Germain-des-Prés. Alors que ces derniers jouent chez nous les idiots utiles du système en appuyant les régularisations massives de migrants décidées par les négriers des temps modernes, alors qu'ils soutiennent de prétendus anti-fascistes russes contre le gouvernement du méchant Poutine (vous comprenez, Poutine a mis au pas une poignée de milliardaires corrompus, bouh que c'est pas bien !), bref alors qu'ils jouent le mondialisme contre les nations, les gauches d'Amérique du Sud, eux, sont nationalistes !
A front renversé
Prenons le cas de la Bolivie. En janvier 2006, Evo Morales, dirigeant du MAS (Movimiento al socialismo / Mouvement vers le socialisme), élu président du pays un mois plus tôt, entre en fonctions. Le socialisme annoncé est au programme, cela va sans dire. Mais tous les Boliviens ne s'y reconnaissent pas, loin s'en faut. De là à fomenter la partition du pays, il y avait un (grand) pas, que certains n'ont pas hésité à franchir sur le conseil d'un certain Philip S. Goldberg...
Pour ceux qui ont suivi les derniers événements du Kosovo, Monsieur Goldberg n'est pas un inconnu. Après avoir été assistant spécial pour la Bosnie de l'ambassadeur américain Richard Holbrooke (1994-1996) et artisan des accords de Dayton qui ont enteriné la désintégration de la Yougoslavie, Goldberg a à nouveau sévi dans la région en tant que chef de la mission US à Pristina, Kosovo (2004-2006). On vient de voir le résultat ! L'atomisation de l'Europe des Balkans n'est d'ailleurs pas finie, puisque le même Goldberg manifeste aussi un intérêt tout particulier pour le Monténégro... En attendant, voilà qu'il fait un petit tour en Bolivie où il a été nommé ambassadeur US en août 2006.
Cependant, en Amérique latine, les Gringos en rangers et leurs séides, on les voit venir de loin ! (Pour ceux qui croient, à la suite d'une publicité pour un mauvais café, que "gringo" est une expression sympa, précisons que c'est un terme injurieux pour désigner le Ricain). Jorge Mansilla, l'ambassadeur bolivien à Mexico (Mexique), ne s'y est pas trompé. Dans une déclaration du 29 avril 2008, il n'hésite pas à dire publiquement que Philip Goldberg n'a été nommé à son poste en Bolivie que pour y provoquer des divisions du même ordre que dans les Balkans.
La comparaison n'est pas aussi incongrue qu'il peut paraître quand on sait que l'un des principaux acteurs du mouvement autonomiste qui touche maintenant les provinces boliviennes de Santa-Cruz, Beni, Pando et Tarija, n'est autre qu'un industriel croate, Branko Marinkovic !
Le moyen de la partition ? Le référendum, bien sûr !, et des sommes colossales mises au service des factieux par le NED américain (National Endowment for Democracy), sommes qui se chiffrent en centaines de millions de dollar$. Mais contrairement au Kosovo, la "Communauté internationale" a pour une fois refusé de donner du crédit à cette mauvaise farce (le référendum des quatre provinces qui a eu lieu le 4 mai 2008 n'est pour l'instant qu'un coup d'épée dans l'eau). Il faut dire que les Etats voisins se savent aussi menacés : la Bolivie n'est qu'un maillon faible du continent sud-américain. Partant, c'est un terrain d'expérimentation pour une stratégie US de morcellement des nations rivales qui, à moyen terme, vise tout aussi bien le Brésil, dont la forêt amazonienne attise bien des convoitises. On comprend que le pays, pas fou, ait refusé de reconnaître l'indépendance du Kosovo.
Jouxtant le Brésil, Santa-Cruz et les provinces adjacentes couvrent plus de la moitié du territoire bolivien. C'est là que se trouvent ses plus riches réserves de gaz naturel... La population locale, rebaptisée "Nacion Camba" par Mr Goldberg, du nom que l'on donne en Bolivie aux habitants métissés des plaines, par opposition aux Indiens des Andes, forme 30% du total des Boliviens. Mais, en dehors d'une minorité rassemblant des représentants de la bourgeoisie et les expatriés croates, elle ne semble pas pour l'heure acquise à l'idée d'une partition et à cet étrange concept de "nation" à la sauce Goldberg. En réponse au référendum, des manifestations de grande ampleur en faveur de l'unité nationale ont eu lieu le même jour. Les Boliviens y demandaient l'expulsion de l'ambassadeur des USA, "instigateur du séparatisme". Reste à savoir si le timide Morales saura faire preuve d'assez de poigne pour débarrasser son pays de cette crapule.
Après la Bosnie, la Bolivie.
Après le Kosovo, la Seine-Saint-Denis ?