Un texte de Mélodie Descoubes | Dossier Homosexualité
" Quand je regarde les habits pour hommes, la vendeuse ne comprend pas ce que je fais dans ce rayon parce qu'elle pense que je suis une femme. C'est dérangeant ", explique Jim, qui a fait sa transition il y a maintenant deux ans. À 40 ans, il affiche sa transidentité à Levis sans subir de remarques désobligeantes dans son quartier.
Quant à Noé, il trouve difficile d'afficher son genre non binaire en Gaspésie. " Mes proches savent que j'ai un pronom masculin ou neutre. Mais ce n'est pas forcément le cas des personnes issues de mon village ou de la ville de Matane, croit cet étudiant du cégep. Tout dépend de l'ouverture d'esprit des habitants; souvent, ils ne sont pas familiers avec la transidentité, alors ils ne comprennent pas nécessairement ma réalité. "
" De façon générale et sans perpétuer de préjugés, le niveau d'acceptation de l'homosexualité ou des personnes trans est différent en région. Plus on s'éloigne de Montréal, moins les gens vont y être habitués ", croit Alexandre Dumont-Blais, codirecteur général de l'organisme communautaire de santé et mieux-être des hommes gais et bisexuels, RÉZO.
Selon lui, c'est l'une des raisons qui poussent certaines personnes à déménager à Montréal. " En région, les gens se connaissent beaucoup plus et ils ont parfois des liens familiaux. C'est problématique si on n'a peur d'être rejeté en faisant son coming out. "
Manque de ressources?
Dans la métropole, il existe plus d'une soixantaine d'organismes et d'associations LGBTQ+ alors que certaines régions n'en recensent que très peu. Originaire d'un petit village du Bas-Saint-Laurent, Jim était la seule personne trans à des kilomètres à la ronde. " Que ça soit dans son village ou à Lévis, il n'y a que peu de ressources proposées. Je n'aurais pas su où me diriger pour demander de l'aide. "
" Je devais me déplacer à plus de 100 km pour accéder à un organisme communautaire qui desservait la communauté LGBTQ+ dans le Bas-Saint-Laurent. C'est pourquoi j'ai choisi de créer un comité LGBTQ+ à mon cégep, à Matane, souligne Noé. Cette année, on a réussi à avoir des toilettes neutres. Ça peut paraître simple de mettre une pancarte sur une porte, mais ce n'est pas encore acquis partout. La direction et le personnel ont été super ouverts à l'idée. "
En l'Abitibi-Témiscamingue, la Coalition contribue à l'amélioration de la santé et du bien-être des lesbiennes, homosexuels, bisexuels-les et transgenres. Julie Fortier, directrice générale, travaille d'arrache-pied pour mettre en place des projets de prévention et sensibilisation. " Dans les couples de même sexe, il y a beaucoup de violence. C'est souvent moins visible, parce qu'on parle davantage de violence psychologique. On va faire la tournée de la région pour présenter des ateliers sur le sujet. "
Virage numérique
Les personnes issues de la diversité sexuelle et de genre peuvent aussi compter sur des ressources en ligne, telles que des groupes privés sur les réseaux sociaux.Par exemple, ce sont plus de 3000 personnes qui communiquent avec bienveillance sur la page Facebook LGBTQ+ province du Québec, un espace sécuritaire de partage et d'entraide.
La pandémie de Covid-19 a d'ailleurs encouragé les organismes communautaires à adopter les plateformes numériques. Depuis le début de la crise sanitaire, l 'Aide aux Trans du Québec (ATQ), établi à Montréal depuis plus de 30 ans, met en ligne chaque semaine des rencontres virtuelles.
" On jase entre nous, on fait de la méditation. J'ai déjà parlé avec des gens de Sherbrooke. C'est enrichissant de communiquer avec des personnes de différentes régions ", pense Jim, un habitué de ces réunions Zoom.
Pour le codirecteur général de l'organisme RÉZO, les applications mobiles ont permis aux personnes situées en dehors des centres urbains d'être en contact avec encore plus de membres de la communauté LGBTQ+. " L'une des principales difficultés de notre communauté en Abitibi-Témiscamingue, c'est le dating. Le bassin de célibataires est plus restreint par rapport à celui d'un grand centre ", explique Julie Fortier.
Montréal, un point de chute
Si les mentalités et les ressources évoluent dans les régions, Montréal demeure un passage obligé pour une partie de la communauté LGBTQ+. " Pour avoir accès aux cliniques spécialisées de santé sexuelle, notamment pour les dépistages, certaines personnes viennent de Laval, Longueuil ou même d'un peu plus loin ", précise Alexandre Dumont-Blais.
Selon Julie Fortier, une personne qui se questionne sur son identité de genre ne doit pas absolument déménager dans la métropole. " Ce n'est plus vrai. Ce n'est pas plus facile à Montréal. Il n'y a pas plus de transphobie en région. Il est possible de faire une transition complète en Abitibi-Témiscamingue. "
" À Montréal, il y a encore des personnes qui se font attaquer dans les rues parce qu'elles sont trans ", souligne Jim. En étant plus visibles, les personnes trans ou LGBTQ+ de la grande ville permettent cependant à celles en région de se prendre en main. "
" Je suis plus à l'aise de marcher main dans la main ou de frencher un gars à Montréal qu'à Gatineau. Voir deux gars s'embrasser y est plus accepté ", indique Sébastien, qui assume sa bisexualité depuis 10 ans. L'homme a habité dans les deux villes québécoises.
Quel que soit l'endroit au Québec, certains facteurs ont une importance primordiale et dépassent la question du lieu de résidence, selon la directrice de La Coalition, Julie Fortier. " L'ouverture d'esprit et le soutien de l'entourage sont essentiels pour une personne faisant son coming out. C'est quelque chose de similaire en région et à Montréal. "
QUELQUES RESSOURCES EN RÉGION :
GRIS Estrie819 434-6413
info@grisestrie.org GRIS Chaudière-Appalaches418 903-7878
GRIS Mauricie-Centre du Québec info@grismcdq.org819 840-6615
La coalition - Abitibi-Témiscamingue819 762-2299
info@coalitionat.qc.ca M.A.I.N.S - Bas-Saint-Laurent1 418 722-7432
info@mainsbsl.qc.ca LGBT+ Baie-des-Chaleurs - Gaspésie581 886-5428
info@lgbt-bdc.net