Fort de son accueil critique pour son précédent film Asako 1 & 2 dans la compétition cannoise, le cinéaste japonais Ryusuke Hamaguchi revient avec une fresque intimiste longue de près de 3h, Drive My Car. Un retour aussi attendu que réussi.
Dans Drive My Car, un metteur en scène de théâtre découvre que sa femme le trompe, mais décide de ne rien dire afin de ne pas nuire à leur relation. Elle meurt subitement par la suite. Quelques années plus tard, il se retrouve à Hiroshima pour monter une adaptation théâtrale de l' Oncle Vania de Tchekhov. Ce synopsis est le fondement d'un récit introspectif et comme souvent avec les mises en abîme (les acteurs jouent un rôle dans un rôle), la pièce répond au film et inversement.
Œuvre d'une extrême finesse
Avec la précision d'un chirurgien muni de son scalpel, Ryusuke dissèque les esprits de ses personnages. Pour cela, il a pris le temps - chose rare au cinéma - pour ne rien manquer. Cette durée remarquable, sans artifice pour maintenir le spectateur en haleine, se révèle nécessaire pour développer les nuances des esprits tourmentés à l'écran.
La réalisation suit cette logique d'étirer dans la longueur des instants, des dialogues afin de permettre au spectateur de lire sur le visage des acteurs la moindre émotion. À l'image, on note le travail de premier plan autour de la lumière et de la composition qui permettent d'instiller une ambiance bien particulière au récit. Parfois le film à des allures de road-movie avec ses nombreuses séquences en voiture qui viennent ponctuer la narration, ajoutant une dimension métaphorique supplémentaire sur le laisser-aller (avec le titre assez littéral Drive My Car), le deuil et le cheminement pour passer à l'étape suivante dans la vie.
Un casting magnétique
Les films qui durent aussi longtemps et avec des histoires intimistes s'écroulent à la seconde où le casting ne suit pas. Fort heureusement dans Drive My Car, il est magnifique en tout point. Du plus petit rôle aux principaux, les personnages sont incarnés à la perfection avec douceur, subtilité et talent. D'ailleurs en proposant un long-métrage polyglotte - les personnages ne sont pas tous japonais et l'un d'entre eux est carrément muet et s'exprime en langage des signes coréens - le cinéaste met d'autant plus en exergue les expressions et les intonations de ses acteurs. Dans un récit où le personnage du metteur en scène accorde une place prépondérante à la diction des dialogues de la pièce, il est donc logique que le film suive la même direction.
Vous l'aurez compris, Drive My Car est une réussite totale, un pur film de cinéma (à mon sens, à voir dans les salles obscures sans aucune distraction autre que l'écran devant soi). Petite Palme d'or en vue ?