Après quelques pièces qui ne m’ont pas emporté depuis la réouverture des théâtre, je suis allé voir ce soir “Mes adorées”, un seul en scène d’Edouard Collin dont je n’attendais pour être franc à peu près rien. Comme il le dit lui même dès la première phrase de son spectacle, il est “trop lisse” (c’est ce qu’il a le plus entendu dans son métier) et c’est d’ailleurs à peu près ce que je pensais. Mais j’étais ravi d’accompagner un ami dans un théâtre à côté de chez moi où je n’étais jamais allé et puis, au pire, regarder Edouard Collin pendant 1h30 ressemble une punition tout à fait acceptable.
Bien sûr, j’avais vu passer des critiques particulièrement positives sur les sites de réservations mais j’ai appris à m’en méfier, je connais les trucs de communication, les amis qui veulent aider, les fans pas objectifs, je ne me fais plus avoir.
Dès les premières minutes, je me suis laissé cueillir par un principe narratif malin qui consiste à camper la galerie de personnages qui a peuplé sa vie sans pour autant tomber dans une succession de scénettes artificielles. Edouard est le narrateur de sa propre vie du début à la fin mais se retrouve comme possédé par tous ceux qui l’ont entouré, qui l’ont parfois porté, parfois détruit.
Les personnages, hauts en couleur, sont donc bien comme son histoire, tout sauf lisses. Sa mère, son père, les amants de sa mère, les dealers de sa mère, les flics, la dame de l’aide sociale à l’enfance… et bien sûr ses grands-mères, ses adorées. Tous prennent vie à travers son regard qui semble bloqué dans une enfance qui lui a été volée. De la truculente marseillaise à la bourgeoise qui n’a jamais travaillé en passant par le macho bas de plafond ou la junkie, chacun prend possession du récit, s’en empare, parfois violemment, parfois avec bienveillance.
Souvent, les yeux de l’acteur s’embuent, systématiquement avec certains de ses personnages, les yeux des spectateurs suivent. Dans la salle, on est chacun touché par des caractères. J’ai de mon côté particulièrement aimé “Mamie Cocotte” que j’ai eu l’impression de voir prendre vie devant moi. J’ai évidemment comme vous le serez été bluffé par l’interprétation de sa mère, il faut sans doute avoir vécu d’aussi près cet état de dépendance pour lui donner corps de façon aussi spectaculaire.
L’autre bonne idée de ce seul en scène, c’est d’avoir construit sur un terreau d’une dureté implacable un spectacle lumineux, plein d’amour, bourré d’humour avec de nombreux rires dans la salle. Et comme une ultime surprise, on découvre au passage qu’Edouard a une belle voix de chanteur.
En sortant, je n’avais qu’une seule envie, c’est d’appeler ma famille pour leur dire que je les aime. Quoi attendre de mieux d’une soirée au théâtre ?
Il ne reste plus beaucoup de places, uniquement pour la dernière représentation annoncée le 28 juillet au théâtre du Marais. Mais, à entendre les applaudissements aussi interminables à la fin qu’ils ont été retenus pendant toute la durée du spectacle, on devrait le retrouver très vite, à la rentrée, c’est tout le bien qu’on lui et qu’on souhaite à tous ceux qui iront le découvrir.
Quelque chose me dit qu’on reparlera bientôt théâtre par ici, stay tuned.