Campagne de vaccination covid 19 : Tâche ardue pour les agents vaccinateurs

Publié le 12 juillet 2021 par Tonton @supprimez

Une franche de la population reste réticence. Les agents ont eu du mal à convaincre des personnes lors de leur descente dans les quartiers.

Le Jour a adjoint un reporter à une équipe qui a sillonné le quartier Efoulan dans l'Arrondissement de Yaoundé 3. Le Programme élargi de vaccination annonce qu'entre le 07 et 10 juillet, 106 044 personnes ont été vaccinées. Quatre jours déjà que la campagne nationale d'intensification de la vaccination contre le Covid-19 a débuté dans les formations sanitaires et autres espaces publics. Le Jour s'est intéressé à la vaccination dans les communautés par les équipes mobiles ou le porte à porte. Nous avons ciblé la zone de la chapelle Efoulan jusqu'au lieu-dit école, sise à Yaoundé III. De 10h à 12h nous avons accompagné les mobilisateurs qui ont sillonné pour conquérir des volontaires. Nous avons tout entendu.

Le poste de vaccination est situé à la chapelle. Deux personnels de santé y sont présents, ce sont des femmes revêtues, chacune d'une surblouse de couleur bleu. Devant leur table sur laquelle sont des disposés un registre et une petite glacière contenant le vaccin, il y a un tableau sur lequel est inscrit : " Ici campagne de vaccination contre le Covid-19. Faisons-nous vacciner massivement ". Elles attendent que les mobilisateurs ramènent des volontaires à la vaccination, même si, elles-mêmes interceptent des personnes au passage. Bien installées, les mobilisateurs vont à la conquête des volontaires à la vaccination.

Ils sont deux. Joseph Owono Mbarga et son coéquipier Boris. Ils commencent donc à l'entrée de la Chapelle Efoulan, près de leur poste de vaccination. Inutile de se présenter car, la chasuble qu'ils revêtent est estampée vaccination contre le Covid-19. " Covid-19 c'est comment ? ". C'est ainsi que deux messieurs, la quarantaine visiblement entamée, les accueillent. Ils sont assis dans une caisse. Là, on vend des médicaments. Le mobilisateur, Joseph Owono Mbarga, en souriant commence par les interroger sur ce que c'est que le Covid-19. Les deux messieurs le regardent avec un air de méfiance. Après avoir brièvement fait son exposé, il les exhorte à se faire vacciner, car la maladie infectieuse causée par le coronavirus fait des ravages. " Mon frère je ne suis pas un cobaye. J'observe d'abord qu'il n'y ait pas d'effets négatifs sur ceux qui se sont fait vacciner ", rétorque l'un. Et l'autre renchérit sans se faire attendre : " Pour commencer, cette maladie a été inventée. Si elle existe qu'on crée nos médicaments ". Le mobilisateur rebondit et réexplique que le Covid-19 est une pandémie qui existe vraiment et que seule la vaccination peut participer à l'éradiquer. Les deux messieurs restent figés sur leurs positions. Joseph Owono Mbarga et son coéquipier les laissent et vont à la recherche d'autres personnes.

Cette fois, nous allons vers un autre monsieur. Il est menuisier. Pas besoin de se présenter, nos cache-nez et les chasubles renseignent déjà sur qui nous sommes. " Bonjour monsieur ", adresse Joseph Owono Mbarga en premier au monsieur. Salutation reçue. Alors, on entre dans le vif du sujet. " Vous savez qu'il y a une pandémie qui sévit depuis presque deux ans. La solution est là juste se faire vacciner pour se prémunir ", explique le mobilisateur à son interlocuteur qui l'écoute attentivement. Explication terminée, le monsieur commence par demander aux deux mobilisateurs si eux-mêmes se sont faits vacciner. " Oui !", répondent-ils en présentant leurs cartes de vaccination. Deuxième question. Y-a-t-il des effets secondaires ? " Oui, comme tout type de vaccin quelques maux de tête, la fatigue, les douleurs musculaires, parfois abdominales, les vertiges, la somnolence, vomissement, pertes d'appétit... Mais c'est passager ", répondent spontanément les deux mobilisateurs. " Ok, j'ai compris, merci, je vais réfléchir. Pour l'instant la vaccination contre le Covid-19 ne m'intéresse pas. Je préfère même mon naturopathe, avec lui je n'ai aucun effet secondaire ". " Monsieur, nous vous exhortons à vous faire vacciner pour ne pas mettre votre vie et celle de vos proches en danger ", reprennent les mobilisateurs. Sur le champ, le monsieur s'insurge : " Mon frère donc tu gagnes quelque chose derrière ! Sinon pourquoi tu m'exhortes ? Donc vous les Camerounais vous aimez déjà trop vos frères au point de les exhorter à se faire vacciner ? Allez gagner votre argent loin ". Près de lui, Irène, une femme, que les mobilisateurs sensibilisent également. Elle promet, l'air attentif à Joseph Owono Mbarga et son coéquipier qu'elle passera se faire vacciner après avoir réfléchi. Et voilà qui est moins agressive et rassurante. Mais la sensibilisation suit son cours.

C'est ainsi que nous nous rendons dans une maison. Une jeune femme nous accueille. Elle est au courant de la pandémie, précise-t-elle, mais n'est pas prête à se faire vacciner. Sur les raisons, elle reste ferme. " Je ne veux pas un point et c'est tout. Bonne journée ", conclut-elle, le visage serré. Nous sommes à Efoulan Ecole près du troisième dos d'âne. Il y a un bar. Nous rentrons et la discussion sur la vaccination débute. " Vraiment allez-vous faire de l'argent loin. Laissez-nous ", lance un monsieur auprès de qui les mobilisateurs veulent placer le premier mot. Directement les trois autres personnes présentes autour de lui s'en mêlent. " Mon frère la bière-ci est encore bonne dans nos bouches l'on ne veut pas mourir ", disent-ils en riant et en ingurgitant la bière. Tout près des femmes font frire des beignets. L'une affirme être allergique à tout type de vaccin, par conséquent, elle n'est pas intéressée par celui contre le Covid-19 : " Même lorsque j'étais enceinte et j'accouchais on ne me vaccinait pas ". L'autre crie : " Ooooh le corona tue ! On va tous mourir, il faudrait bien qu'on meurt suite à quelque chose. Avant les personnes mouraient, avec et après votre maladie elles vont toujours mourir ". A une troisième de dire : " Que ça me tue. Je veux même déjà mourir ". Joseph Owono Mbarga et son coéquipier sont sans mot dire. Seul leur regard traduit leur étonnement. " Les populations sont réticentes ", dit Joseph Owono Mbarga, en secouant la tête. Ils ne baissent cependant pas les bras, le travail continue.

A quelque pas, il rencontre un jeune homme qui veut bien se faire vacciner. Le sourire revient. Mais le seul hic, c'est que l'équipe de vaccinateurs de Joseph Owono Mbarga ne dispose que d'Astrazeneca, comme vaccin. Le jeune homme émet des réserves : Mon grand, je veux bien me faire vacciner, mais je préfère Sinopharm. Il y a eu trop de rumeurs autour de votre Astrazeneca. Vous n'avez pas suivi ? " Malgré les explications de Joseph Owono Mbarga et de Boris, son coéquipier, le jeune homme reste sceptique. Plus loin, dans un autre bar, est assis un monsieur. Toutes les explications sur les bienfaits du vaccin ne le rassurent pas. Il a déjà son médicament en qui il croit dur comme faire : " Le " ngul beu tara'' (la force des ancêtres en langue Béti ndlr) soigne votre chose-là ". Un autre, cordonnier confie être aller se blinder au village et avant de revenir à Yaoundé : " Votre vaccin est petit devant mes écorces. Je ne peux pas me faire vacciner ". Ainsi, l'on sillonne dans le quartier.

L'on rencontre, explique, convainc des personnes... Certains affirment s'être déjà faits vacciner. D'autres, écoutent et nous dévisagent au passage, d'autres encore écoutent poliment mais ne se décident pas. Seuls deux connaissances de Joseph Owono Mbarga font montre de leur adhésion tout en demandant des garanties et promettent à la fin d'aller se faire vacciner. Nous rabattons vers la chapelle, le poste de vaccination, au ralenti. Nous sommes tous fatigués. Il est 12h 30. Voilà le quotidien de Joseph Owono Mbarga et son coéquipier depuis mercredi, la date du début de la campagne. Ils sensibilisent jusqu' à 15 h. " La population est réticente. Je compte une dizaine de personnes que j'ai sensibilisées et qui sont vraiment venues se faire vacciner. Le reste me promet de venir se faire vacciner, mais je ne les compte pas ", affirme-t-il. Les personnels en charge de la vaccination de leur côté, n'ont vacciné que quatre personnes. Et tenez-vous tranquille, la troisième personne qui passait à la Chapelle Efoulan a accepté de se faire vacciner parce qu'elle lorgne un voyage à l'étranger. " Je cherche la carte de vaccination. L'on a fait voyager des amis à la fin du mois de juin. L'un allait en France et l'autre en Tanzanie.

Le ministre est satisfait

Lorsque la campagne est lancée, il y a 463 533 doses de vaccin encore disponibles, dont 138 373 doses de Sinopharm et 324 796 doses d'Astrazeneca. Selon des responsables du ministère de la Santé publique, la campagne nationale d'intensification de la vaccination contre le Covid-19 se déroule plutôt bien. Des chiffres officiels venant des responsables du Programme élargi de vaccination (Pev), entre le 07 (date du début de la campagne) et le 10 juillet, 106 044 personnes ont été vaccinées, soit 97 663 pour la première dose (Sinopharm) et 8 381 pour la seconde dose (Astrazeneca). Le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie quant à lui félicite l'équipe du secrétaire permanent du Pev, le Dr Shalom Tchofké. " Mobilisés sur le terrain depuis mercredi dans le cadre de la campagne contre le Covid, nos soldats de la santé du Pev sont à féliciter pour les résultats à mi-parcours. Comme prescrit par le chef de l'Etat, faisons-nous vacciner et respectons les gestes barrières ", a affirmé le ministre sur son compte twitter. La campagne nationale intensive contre le Covid-19, quant à elle s'entend jusqu'au vendredi 16 juillet sur toute l'étendue du territoire, contrairement à la première date qui était fixée au 11 juillet, a annoncé le ministre de la Santé publique, Malachie Manaouda dans un communiqué daté du 09 juillet.

Guillaume Aimée Mete