Ma première lecture du livre de Lisette Lombé publié dans la collection Iconopop était dans le RER, un jour où le trajet était deux fois plus long que d’habitude, allongé par un détour dû à des travaux sur les voies. Je n’avais pas pu visiter une exposition, la jauge était pleine. Et soudain l’écriture de Lisette Lombé a rempli ce temps : j’avais emporté le livre, pressentant sans doute que c’était lui qu’il me fallait ce jour-là, qu’il ferait sonner en moi les mots de résistance, les mots qui permettent de tenir, les mots qui témoignent de violences, d’injustices, les mots du combat, les mots du courage. J’ai remercié le lieu d’exposition saturé, le détour. Cette femme assise en face de moi, elle pourrait être la mère, la femme, la soeur. « Dans quel monde on vit, Madame ! » Quand elle se lève pour descendre, je vois bien que « Dieu ne lui arrive pas à la cheville ».
Sortant du RER, la plume d’une pie tombe du poème que j’ai lu tout à l’heure et que je vais relire parce que cette plume aura trouvé un nouveau sens. Il me semble entendre Lisette Lombé me dire : « Tu multiplies les angles de vue, tu progresses par essais et erreurs. (…) Te distancier du descriptif, du narratif. » Et m’inviter à revenir au début du livre, « attraper un crayon, un bic, un marqueur / Tout fera l’affaire ! » La pie, le pigeon, le moineau qui se partagent les restes d’une barquette de frites sur le trottoir ne fuient même pas à mon approche. C’est qu’en lisant ces poèmes qui font tenir debout, je suis devenu moi-même oiseau, revenu d’un long voyage par-delà les mers.