Le petit coiffeur nous emmène au cœur d'une histoire de famille aux premiers jours de la Libération et de l'épuration.
Le petit coiffeur est la nouvelle création de Jean-Philippe Daguerre, à qui l'on doit notamment l'immense succès aux 4 molières 2018, Adieu monsieur Haffmann. Et c'est en 1944, à Chartres - tout juste libérée de l'occupation nazie - que nous emmène l'auteur et metteur en scène de talent.
Jean et Pierre sont frères. Depuis la mort de leur père dans un camp de travail, Pierre a repris le salon de coiffure familial aux côtés de sa mère. Mais ce qu'il aime surtout, c'est peindre des nus à partir de modèles féminins habillés que lui envoie sa mère. Jusqu'à ce que l'un de ses modèles - Lise - ne vienne bouleverser son existence, et rapidement celle de toute la famille.
Entre comédie, romance et drame
C'est sur un air de Brahms que s'ouvre une première scène faite de sensibilité et d'émoi, dans laquelle Lise se présente à Pierre pour être son modèle. Pour peindre les corps nus des femmes habillées, c'est de leur trouble que le jeune homme s'inspire. Et autant dire qu'avec la lumineuse Lise, il est servi ! Car entre les deux, le charme opère immédiatement. Très vite, le ton est donné. En effet, en quelques minutes à peine on oscille déjà entre rire, tendresse et poésie.
Une combinaison que l'on retrouve tout au long du spectacle. Notamment grâce au personnage de Jean, l'autre fils, atteint d'un retard mental. Les interventions de ce personnage naïf mais pas bête, petit protégé de sa mère, nous décrochent quelques sourires supplémentaires et font souffler ça et là sur l'histoire un vent de légèreté. Mais, non loin de là, c'est la tempête qui gronde et et menace de faire chavirer l'équilibre familial...
Un casting sans défaut
Les 5 comédiens qui se partagent la scène sont tous d'une grande justesse. En tous cas celles et ceux à l'affiche de la représentation parisienne à laquelle nous avons assisté. Mais c'est par le rôle de Marie, la mère, que nous avons été particulièrement conquis. Et plus précisément par l'interprétation brillante et généreuse de Raphaëlle Cambray, qui livre d'ailleurs quelques monologues puissants.
Son aplomb, sa force de caractère, et son espièglerie, font d'ailleurs de cette femme Résistante et passionnée, de cette mère protectrice et débordante d'amour, le personnage fort de cette pièce. Nous avons peut-être été un peu moins conquis par le personnage un peu criard de Léon, l'amoureux de Marie. Ce Résistant en quête de justice abandonne un peu vite à notre goût sa soif de vengeance.
Mais en peignant ainsi des personnages sensibles et plein de contradictions - humains au fond - Jean-Philippe Daguerre force l'empathie et renonce à condamner qui que ce soit. Une approche intelligente et sensible à laquelle il nous avait déjà habitués.
Une pièce qui nous a séduits sans nous toucher
Nous étions donc impatients de découvrir cette pièce, qui nous emmène à nouveau dans une période trouble de l'Histoire. En effet, c'est à partir de faits historiques bien sombres - La tondue de Chartres - que l'auteur nous conte ce dramr intime qui se joue à l'heure des règlements de compte post-Libération. Mais c'est l'amour, l'humanité et la poésie qui l'emportent haut la main. Et il s'en serait fallu de peu pour que le coup de cœur soit au rendez-vous.
Car nous avons passé un très bon moment, c'est vrai, devant cette pièce originale, rythmée, à la mise en scène réaliste, faite de scènes croisées, de transitions soignées et d'intermèdes dansés. Mais un élément - et non des moindres - nous a manqué : l'émotion. Certes, on esquisse quelques sourires, on est attendris parfois. Mais aucun moment ne vient vraiment nous bousculer, nous serrer le cœur. Il est pourtant question d'amour, de trahison, de pardon... Ce petit coiffeur ne nous laissera donc pas un souvenir impérissable.