Politique participe, librement et souverainement, à ce dévoilement. Ici,
l’éclairage autobiographique déjoue les incitations à parler au nom d’une
communauté, d’une famille d’esprit en prenant congé, jusque dans la polémique,
avec les figures récurrentes du nihilisme et du langage d’inquisition, bouffi
d’impératif et de morale. Né en 1938, Henric appartient à cette génération qui
s’est engagée dans le champ idéologique et littéraire. Instituteur en province
dans les années 60 et très tôt averti de la violence inhérente à l’espèce
humaine, il collabore à des journaux communistes, notamment France Nouvelle,
dont il tient chaque semaine la rubrique littéraire. Il sera, avec Jean-Louis
Houdebine et Guy Scarpetta, à l’initiative d’un rapprochement entre les
intellectuels communistes et les jeunes écrivains de la revue Tel Quel (Philippe
Sollers et le poète Marcelin Pleynet notamment). Henric, qui toujours fut
réfractaire à toute inféodation de la littérature à la politique, multiplie les
anecdotes et les péripéties, dresse des portraits souvent grinçants (Aragon aux
obsèques d’Elsa Triolet), touchants (Pierre Rottenberg et son dévouement pour Tel
Quel) et parfois féroces (sur Jacques Laurent, Antoine Blondin et Roger
Nimier). Sa participation à Tel Quel, son amitié jamais démentie pour
Sollers puis la création, avec Catherine Millet, de la revue Artpress,
corrigent avec brio la mémoire flouée et les récits tronqués sur l’histoire de
cette génération.
©Pascal Boulanger
Signalons, dans la nouvelle revue que dirige Henri Poncet : Passage à l’acte, un fronton consacré à Jacques Henric, avec les contribution de Philippe Forest, Elisabeth Joannès, Andrée Barret et un entretien, par Pascal Boulanger, avec Jacques Henric.
Jacques Henric : Politique (Seuil, coll. Fiction & Cie), 20 €