Samuel Schmid : 40 mois pour parachever la destruction de l'armée ?

Publié le 28 juillet 2008 par Francisrichard @francisrichard

Roland Nef a donc proposé d’abandonner son poste de chef de l’armée. Il a bien fait. Cela se fera vraisemblablement à l’amiable. On lui accordera une forte indemnité aux dépens du contribuable, à qui on ne demandera pas son avis, et le tour sera joué. Il occupait un poste surexposé où la moindre incartade, même bien enfouie dans son passé, pouvait être utilisée contre lui. Cela n’a pas manqué.

Ce ne sont cependant pas ses frasques qui devraient être retenues contre lui – que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! – mais le manque de maîtrise qu’elles révèlent. Il semble bien que d’être éconduit par sa belle lui ait faire perdre les nerfs et l’ait conduit à se mal comporter envers elle. Cette faiblesse de caractère et ce comportement subséquent pouvaient ne pas laisser d’inquiéter s’agissant du chef de l’armée.

Le cas de Samuel Schmid est plus grave. En effet, s’il n’y avait que cette seule affaire Nef à porter à son débit, Pascal Couchepin aurait raison de considérer qu’après tout il ne s’agit que d’un incident qui ne justifie pas sa démission. Mais cette affaire vient après d’autres, où le chef du DDPS (Département de la Défense, de la Protection de la famille et des Sports) n’a pas montré qu’il était à la hauteur (voir mon article Samuel Schmid, le conseiller fédéral zéro ).

S’il n’y avait encore que ces affaires – que les média se sont empressées de monter en épingle – il serait peut-être possible, à la réflexion, de les ramener à de justes proportions et laisser sa chance au ministre de la défense de poursuivre une œuvre salutaire pour le pays, mais c’est justement la destruction de l’armée qui est le résultat de l’œuvre du conseiller fédéral zéro à la tête du DDPS.

Dans une chronique publiée dans L’Hebdo du 17 juillet 2008 Charles Poncet, s'adressant à Samuel Schmid, a résumé la situation avec son sens bien connu de la formule : « En huit ans, vous avez anéanti l'armée suisse avec une efficience que le Groupement pour une suisse sans armée, n'aurait jamais pu approcher ». Ce jugement, un rien lapidaire, avait le mérite d’être clair et définitif.

Seulement, si cette destruction s’est avérée possible, c’est essentiellement en raison de querelles partisanes. Depuis le début de son avènement les autres partis bourgeois que l’UDC soutiennent Samuel Schmid contre cette dernière. Il ne s’est jamais agi de rechercher le bien du pays, mais d’empêcher que la majorité blochérienne de l’UDC soit représentée au gouvernement, comme l’esprit de la démocratie de concordance le voudrait.

Certes pendant quatre ans Christoph Blocher a siégé au dit gouvernement. Mais il semble bien que dès le départ il s’agissait d’un piège dans lequel ce dernier n’est pas tombé. Il fallait soit le rendre docile, soit le prendre en flagrant délit d’incompétence. Peines perdues. Aussi n’est-ce pas sur son bilan que Christoph Blocher est tombé, mais à la suite d’attaques visant sa seule personne.

Un conseiller fédéral, hormis à l’échéance d’une législature, est intouchable. C’est lui seul qui, dans l’intervalle, peut abréger le mandat que le peuple lui a donné via le parlement. Certes on peut regretter que les commissions de politique de sécurité du National et des Etats n’aient pas exercé une pression amicale, ou non, sur le conseiller fédéral zéro pour qu’il démissionne, mais c’est à lui de se rendre compte que c’est un service qu’il doit rendre au pays.

Les commissions en question n’ont sans doute pas exercé de pression pour ne pas rendre un siège vacant au Conseil fédéral, revenant de droit à l’UDC, qui a été rejetée contre son gré dans l’opposition. Christophe Darbellay, qui, selon Pascal Décaillet ( ici ), aurait un coup d’avance, au-delà de son animosité personnelle à l’encontre de Christoph Blocher, s’est rappelé ce week-end, mieux vaut tard que jamais, que le PDC qu’il préside appartient au camp bourgeois, et qu’il lui faut recoller les morceaux de ce camp après les avoir dispersés pendant aussi longtemps.

Jean-Pierre Gattoni, dans Le Matin de ce jour ( ici ), n’apprécie pas cette volte-face de Christophe Darbellay. Il trouve indécent que le valaisan monte « dans le train des opportunistes qui veulent liquider un magistrat dont la tête se trouve déjà sur le billot du condamné à mort » et il « se demande pourquoi le PDC tarde tant à virer ce (son) pathétique Darbellay ».

En réalité Jean-Pierre Gattoni ne digère pas que le camp bourgeois puisse se ressouder et se réconcilier avec l’UDC. Ce journaliste indécrottable, qui se bouche le nez quand on évoque l’UDC, ne peut même pas imaginer qu’elle soit fréquentable.

Pascal Décaillet, qui n’a pas ces problèmes de narines sélectives, estime, fort justement qu’« en politique, rien ne sert de s’enferrer dans des rancunes trop tenaces ». L’important n’est-il pas de « considérer la finalité suprême » ? Or la finalité suprême aujourd'hui est d'empêcher que Samuel Schmid parachève la destruction de l’armée au cours des 40 mois à venir.

Francis Richard