Le gros titre consiste en un simple participe passé
qui fait jeu de mot : "failli" en espagnol veut aussi dire "cassé"
Lui est en
vacances en Espagne. Soi-disant en tournée de promotion de son livre
où il raconte son mandat présidentiel. De Madrid, dans une lettre
ouverte, il s’est déclaré ce week-end victime d’une opération
de lawfare,
d’une justice partisane, aux ordres du gouvernement, qui tenterait
de l’abattre et de nuire à ses enfants pour des raisons de basse
politique. Un peu comme le fit Patrick Balkany quand il évoqua un
« procès politique » dans les couloirs du palais de
justice alors qu’il comparaissait devant la justice financière.
"Décision polémique de la justice : le Correo de Macri
est déclaré en faillite"
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Hier en fin d’après-midi, le tribunal du commerce a refusé le plan de restructuration proposée par la gouvernance de Correo Argentino qui ne parvient pas à honorer ses échéances tant envers l’État argentin qu’envers ses créanciers privés. Correo Argentino, poste nationale de service public, organe officiel qui édite aussi les timbres commémoratifs comme celui, tout récent, du bicentenaire de la mort de Güemes présenté à Salta par le président lui-même, a été confié, il y a une vingtaine d’années, en concession au groupe privé Socma, la holding familiale fondée par le défunt père de Mauricio Macri et dirigée aujourd’hui par les frères de ce dernier. Au cours de ces vingt années, le groupe concessionnaire n’a jamais payé ses redevances à l’État ni aux autres créanciers et il a accumulé une dette globale que les juges estiment à plus de 6 milliards de pesos.
Où est donc passé tout cet argent ? Le spectre de la faillite frauduleuse se dresse déjà devant tous, y compris ceux qui à droite ne veulent pas le voir.
De plus, depuis de nombreuses années,
on soupçonne la Socma (voire le président lui-même) de chercher à
rendre Correo Argentino insolvable peut-être pour en faire une
coquille vide où loger, par la suite, l’une ou l’autre de ses
activités existantes ou à venir (travaux publics, construction
immobilière, services financiers, transports et téléphonie).
Depuis plusieurs mois, l’ex-président et les membres de sa famille
se démenaient pour monter un plan de sauvetage à présenter au
tribunal qui vient donc de juger qu’il n’était pas réaliste.
"La faillite de Correo Argentino SA a été déclarée"
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On s’attend à ce que très vite la Socma fasse appel de ce jugement. D’ici là, les dirigeants de l’entreprise n’ont plus le droit de sortir du territoire et doivent remettre sous 24 heures à la justice tous les instruments comptables de Correo Argentino, dont les biens ont été placés ipso facto sous séquestre. Afin de payer les dettes ainsi accumulées, il est possible que la justice aille chercher les fonds dans les actifs et les réserves de la Socma et des autres sociétés dont elle est l’actionnaire majoritaire. C’est donc tout ce sur quoi est fondée la fortune personnelle de Mauricio Macri et de ses frères qui se trouve menacé. On comprend que l’ex-président, déjà inquiété au pénal pour des opérations personnelles d’évasion fiscale et de capitaux, se débatte comme un beau diable. Qui plus est, dans un pays étranger à partir duquel il peut se déplacer comme il veut dans tout l’espace Schengen (il dispose d’un passeport italien).
Cette fois-ci,
l’étau se resserre donc très fort sur l’ancien chef d’État.
L’affaire est en effet beaucoup plus sérieuse que les causes
ouvertes sous sa présidence contre Cristina Kirchner puisque les
faits qu’on lui reproche ne sont même pas encore établis. Cette
fois-ci, les victimes des manipulations financières sont une
entreprise de service public des plus en vue et des investisseurs
privés qui veulent rentrer dans leurs frais. Il est peu probable
qu’ils lâchent la piste aux gros sous pour les beaux yeux d’un
homme politique qui vient de perdre, de façon durable semble-t-il,
le leadership sur son propre parti, comme Sarkozy l’avait perdu
lors de la primaire.
"La justice a déclaré en faillite Correo, du groupe Macri"
(en haut à droite sous le titre du journal)
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Toute la presse en parle ce matin. Clarín s’aligne carrément sur la thèse fumeuse émise par Macri depuis Madrid. Página/12 pavoise (cela faisait des années que le quotidien de gauche dénonçait de grosses magouilles à Correo). La Prensa, qui déteste le néolibéralisme autant que le péronisme, n’est guère portée à la compassion. Quant à La Nación, journal de la bourgeoisie d’affaire, elle se contente d’un petit titre très discret à la une.
Le tout se produit à deux mois des PASO, le pré-premier tour des élections de mi-mandat. Cela tombe donc on ne peut plus mal pour la droite.
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com
Pour aller
plus loin :
lire l’article de La Prensalire l’article de Clarínlire l’article de La Nación