Léon Gavet, Je vous écris des Samoa :
Un demi-siècle de correspondance inédite 1858 - 1909 venue de la lointaine Océanie
Auteurs : Serge Tcherkézoff (Préface), Mireille Dodart-de l'Hermuzière (Compilateur)
Éditions : du Volcan (9 Février 2021)
ISBN : 979-1097339272
660 pages
Quatrième de couverture
Cette correspondance, présentée dans l'ordre chronologique de l'envoi des courriers, offre le tableau de la vie de Léon Gavet, missionnaire mariste aux îles Samoa, sur une période de 51 années de 1858 à 1909. Il y relate son voyage de 16 500 km dans des conditions précaires, puis, outre son travail apostolique auprès des populations indigènes, les menus faits de son quotidien, les événements majeurs en France et dans le monde, les luttes pour le pouvoir des grandes puissances : États-Unis, Angleterre, Allemagne, les guerres civiles des chefferies locales.
Mon avis
J’ai toujours considéré (et c’est encore vrai) qu’une lettre était un cadeau. Prendre le temps de choisir le papier (ou la carte), le stylo, se poser, chercher les mots, penser à celui ou celle qui recevra, offrir ainsi un peu de soi, son temps, ses pensées, partager….
Dans ce magnifique ouvrage, Nous retrouvons les lettres que Léon Gavet, mariste aux îles Samoa, a écrit à sa famille, ses connaissances pendant une cinquantaine d’années. Excellent travail de compilation, elles nous sont dévoilées dans l’ordre chronologique. Quelques photos en noir et blanc illustrent cette présentation complète, il y a même une copie d’une lettre de sa fine écriture et on imagine qu’il a fallu beaucoup de patience (et de temps) pour retrouver ces courriers, les classer et surtout les retranscrire pour que le lecteur les découvre.
Cet homme, animé d’une foi inébranlable, était parti évangéliser là-bas, loin de chez lui et de ses racines. Le voyage en bateau a duré deux mois. Les lettres arrivaient et partaient de façon aléatoire, deux fois l’an ou parfois plus souvent et il fallait plusieurs mois d’attente avant qu’il reçoive une réponse. Jamais il ne se plaint, au contraire, il écrit toujours qu’il ne veut pas qu’on s’inquiète pour lui. Il raconte d’une plume fine, avec une pointe de dérision son quotidien, ses rencontres, les réceptions, les mœurs différents (dont l’utilisation du mouchoir qui m’a amusée), la place de la religion dans ses journées. On devine que c’est quelques fois difficile car il est isolé et que les liens à construire ne sont pas évidents. Il ne juge pas les autochtones, il fait tout pour les comprendre, s’habituer à leur façon d’être sans les braquer, ni les faire fuir.
« Mais au milieu de ces inconvénients, le cœur de missionnaire se plaît à voir l’œuvre de Dieu dans les âmes. »
Ceux qu’il nomme au début « les sauvages » (sans note péjorative, simplement parce qu’il le ressent ainsi par méconnaissance de ces personnes), deviennent au fil des écrits : des fidèles, des brebis, puis une famille. On constate l’évolution du regard de Léon Gavet qui a vu ces hommes et ces femmes venir à lui, grandir, se marier, avoir des enfants, s’éloigner ou mourir. Il a connu plusieurs lieux de résidence dans le même secteur géographique, l’obligeant ainsi à réapprivoiser d’autres personnes, à se faire accepter, ce qu’il vit avec plus de facilité au fil du temps. Le lecteur le sent vieillir, sa compréhension des peuples devient de plus en plus affutée, il se fatigue plus vite mais il garde une écriture alerte, fascinante, analysant les faits sur place avec des détails savoureux mais également à distance. Il ne reste pas centré sur sa personne, il parle de ceux qu’il côtoie, de ce qu’il fait, et quand il rédige il a toujours un petit mot attentif pour celui qui recevra et pour tous ceux qu’il connaît.
Léon Gavet était un homme d’une grande humanité, humble et à l’écoute. J’ai eu énormément de plaisir à découvrir ses courriers. Je n’ai pas eu l’impression d’aller trop loin dans son intimité tant le contenu de ses messages donne de la place aux autres dans le partage et le respect. C’est une merveilleuse découverte d’une vie et pas n’importe laquelle. C’est dépaysant et enrichissant. Je suis impressionnée (et admirative) par la fidélité qu’a eu ce missionnaire envers tous ces correspondants.