Un de mes amis proches, un frère, se bat contre deux cancers.
C'est l'unique raison pour laquelle j'ai accepté de télécharger Facebook sur mon téléphone. Il y a placé un site sur lequel il raconte ponctuellement ses mésaventures pour ne pas avoir à les répéter 250 fois. Je reçois donc des notifications.
Je n'ai jamais trouvé de réel intérêt à Facebook sinon ce type de choses. Où les communications de groupe sont plus faciles que les multiples répétitions et par la fait même, les incompréhensions.
Je reçois aussi des vidéos, que je ne demande jamais. Les PIRES vidéos sur terre. Des vidéos à 95% truqués. Des gens qui font semblant de se tromper et d'être pris sur le fait. Des gens qui font semblant de se chicaner. Des gens qui font semblant de sauver des vies. Beaucoup de rien. J'ai aussi l'impression d'avoir une réelle percée dans le monde de la prostitution. Des filles en micro jupe et les seins tout juste voilés, qui embarquent comme passagère avec un eunuque qui fera rouler sa voiture à un probable 200 KM/H en faisant des virages, la caméra braquée sur tout ce qui bouge sur madame. Des filles qui se pensent belles en se montrant non maquillées pour ensuite se montrer
J'ai aussi été étonné de constater que snobisme et vulgarité sont aussi parfois de pair.
Il y a peu de temps, dans l'attente d'un match du Canadiens de Montréal qui commençait trop tard à Las Vegas, j'ai acheté le livre des deux Marc (Marc-André Lussier et Marc Cassivi) Cannes au XXième Siècle. Que j'ai commencé dans l'heure et demie où j'attendais le match de hockey et que j'ai fini vraiment pas longtemps après parce que je l'ai rapidement consommé. Il s'agit de propos sur leurs propres expériences de journalistes couvrant le Festival De Cannes au travers d'années choisies. J'ai oeuvré tout ma vingtaine et une partie de ma trentaine dans le monde du cinéma (et de la télé). C'est un univers qui ne m'a jamais quitté. Cassivi et Lussier sont comme deux frères pour moi. Je serais littéralement entre les deux si on avait le même père Lussier, l'ainé, Cassivi, cadet. Comme eux, être assigné à couvrir le Festival de Cannes serait presqu'un orgasme spontané.
Le Festival de Cannes aime se penser l'élite du monde du cinéma mondial. Mais il a de la concurrence. Venise, Berlin, Netflix. C'est un club sélect, assez privé. Dans lequel les deux ont été insérés. Ce qu'ils racontent est aussi amusant que parfois grossier. On les retrouve assez proches de Villeneuve, Arcand, Dolan et tous les Québécois(e)s qui y sont invité(e)s. Je me suis posé la question que je me pose souvent, si on est trop ami avec un Villeneuve ou un Dolan, c'est possible de dire de son film que c'est vraiment pas à la hauteur? Il n'y a pas un peu du gars qui voulait faire parti de la gang et qui ne crachera pas sur la gang? Je ne l'ai pas senti au travers des plumes des deux Marc. J'ai même été fort satisfait de voir que Cassivi avait la même vision que moi de la condescendance absolue du boomer Arcand.
Il y a bien entendu un snobisme absolu dans les sélections, le choix de gagnants et tout le tralala, mais en même temps, tout ça, c'est de la mélasse. Partout où il y a des juges et des remises de prix, personne ne s'entendra jamais non plus sur ce type de choix. L'important, au coeur de tout ça, ce sont les films.
On souligne que le thème le plus joué sur le site, au point de devenir le traditionnel morceau musicale représentant le Festival est Le Carnaval des Animaux. C'est une très juste métaphore. Il y a définitivement un côté tout à fait animal à tout ça. Qui n'est pas complètement étranger aux vidéos Facebook que je reçois. Vulgaires et où tout le monde fait aussi semblant.
Il y a cette scène décrite par Lussier (ou Cassivi mais je pense que c'est Lussier qui s'amuse beaucoup d'animaleries du genre) où on est en train de faire une entrevue avec un cinéaste autochtone canadien quand, en plein milieu de cet entretien, on le plante là avec toute son équipe, parce que de gros noms Étatsuniens arrivent tout près et s'impose à la manière Étatsunienne.
Grotesque. Vulgaire.
En lisant leur fort sympathique livre, je lisais aussi plusieurs niveaux d'humiliation avec lesquels les gens sur place devaient composer.
Le cinéma, c'est souvent ça. Un croisement de tout à fait inadéquat avec du visé très juste.
Un carnaval.
Dans nos vies animales.