nude standing by the seapablo picasso, 1929
si l'homme-chat se réveille en forme tantôt
nous prendrons la route vers québec
pour aller voir l'exposition de picasso
notre rencontre est à onze heures
nous avons acheté nos billets
il y a quelques semaines déjà
depuis ce temps mon envie d'y aller
a un peu décru
nos amis qui l'ont vue
nous en ont parlé à leur retour
ils m'apprenaient des choses sur le grand pablo
que je ne savais pas
et en pensant à toutes mes années passées à admirer de l'art
de l'antiquité jusqu'à l'art contemporain
sans jamais savoir qu'un de ses monstres les plus sacrés
était également un misogyne notoire
je me suis un peu déçue
de n'avoir accordé d'importance
qu'au mystique et qu'à l'esthétique
plutôt qu'à la condition humaine
et j'ai su plus tard
que l'exposition préparée
par le musée national des beaux-arts de québec
avait spécifiquement adopté cet angle biographique
au risque de choquer les visiteurs et admirateurs
de ce grand peintre
lorsque nous y serons allés
je vous écrirai encore sur mes réflexions
mais ce matin en me levant
je tentai finalement de répondre à cette question
puis-je séparer l'artiste de l'homme
respecter l'un tout en condamnant l'autre
et je me suis dit que oui
je peux apprécier le talent ou le génie artistique
d'un créateur hors pair
mais cela n'empêche pas
que je peux également l'aimer moins
s'il est par ailleurs monstrueux
et décider de consommer moins de son art
à la faveur de celui
fait par d'autres humains
beaucoup diront aujourd'hui
que les moeurs ont changé
que c'était une autre époque
et que picasso n'était pas le seul misogyne
bien sûr je sais
mais si les moeurs évoluent
et pas si vite on s'entend
il demeure que les goûts peuvent changer également
en fonction de nos valeurs
on ne peut pas demeurer seulement rationnel
notre coeur ne sait pas faire la différence
et si l'on accepte la complexité de l'humain
et nos propres ambivalences
tout cela restera flou et évoluera tranquillement
je persiste cependant à croire
que la violence sexuelle exercée contre les femmes
est un abus de pouvoir à leur endroit
et continuera de l'être
tant que les femmes ne continueront pas à s'émanciper
à se prendre en mains et prendre le pouvoir
à changer les rôles une fois pour toutes
et qu'il y ait un juste retour du balancier
dans toutes les sphères du pouvoir
du politique à l'artistique
incidemment je me suis mise à réfléchir
au nombre d'artistes et écrivaines classiques féminines
que je connaissais
et honnêtement et humblement
en me réveillant
seules quatre me sont venues en tête
agatha christie
frida kahlo
joan mitchell
lee krasner
camille claudel
est restée dans l'ombre de mon cerveau
jusqu'à ce moment où je vous écris
et dans l'ombre de rodin jusqu'à la fin de sa vie
et plus je remonte dans le temps et moins il y en a
et je me suis demandé s'il y avait des compositrices classiques
à l'époque des mozart beethoven
bach rachmaninoff stravinsky
hélàs je n'en connais aucune
les moeurs changent
et avant le musée à québec
le musée du prado a fait cet hiver
amende honorable sur sa contribution
à l'histoire machiste de l'art espagnol
en reconnaissant le rôle joué par l'état et la bourgeoisie
dans la représentation de la figure féminine
et dans la discrimination envers les artistes féminines
je suis heureuse que nous en soyons là
à oser défier les codes et conventions
à revoir les yeux ouverts
les atrocités de notre histoire
et de permettre aux gens
de connaître et de choisir
l'art nous façonne
tant qu'on en consomme
et s'il y a des génies indéniables
dans la grande culture avec un grand cul
il n'y aura plus pour moi de monstres sacrés
car s'ils sont d'abord des monstres
je m'en séparerai.
article sur l'exposition du prado ici.
critique de l'exposition de picasso ici.
réflexion sur l'art des créateurs problématiques ici.