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Écrire dehors

Publié le 03 juillet 2021 par Onarretetout

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Philippe Artières est historien, spécialiste des écritures ordinaires auxquelles il a consacré de nombreux ouvrages. L’Imec, dans sa collection Diaporama, publie un petit livre de cet auteur : Ghostwriters. L’auteur imagine qu’écrire dans la rue est considéré comme un délit. Il a lui-même, photographié des personnes écrivant dans des lieux publics, rues, métro, etc. Et leur a attribué des textes relatant des évènements qui, sans cette écriture, seraient oubliés.

Je vous propose d’imaginer un homme ou une femme écrivant à la main sur du papier, dans la rue ou un jardin public, le métro, un train, assis.e sur un banc, une chaise, dans l’herbe, ou même debout. À trois reprises, dans des lieux différents, vous voyez cette personne qui abandonne, en quittant le lieu, le texte qu’elle vient d’écrire. Ce sont ces textes que vous présenterez. Chaque texte sera introduit par une indication sur la personne et les lieux où vous l’avez vue. Puis, que chacun de ces textes fasse une phrase ou plus, qu’ils racontent une seule et même histoire ou trois différentes, ils commenceront de la manière suivante : le premier commencera par les lettres SA, le deuxième par les lettres ME, le troisième par les lettres DI.

Exemple :
C’est en sortant de chez moi un matin que je l’ai vue la première fois : une jeune femme assise sur un banc dans le square de la Mairie, vêtue de noir et les yeux cachés par des lunettes de soleil ; elle écrivait. Juste avant que je passe devant elle, elle s’est levée précipitamment et laissant tomber la feuille que j’ai ramassée, et lue : « SAns l’avoir prémédité, je me suis assise sur ce banc et j’ai commencé cette lettre que je ne t’enverrai sans doute pas plus que les précédentes. Les gens qui passent devant moi ne me remarquent même pas : ils sont pressés ou sont attendus pour boire le café du matin à la terrasse de la brasserie. Il commence à y avoir trop de monde. Je dois partir. »
Le lendemain, elle montait dans le train où je venais de m’installer. Je ne l’avais pas reconnue : je n’avais pas remarqué ses tatouages sur l’avant-bras gauche : un vol d’hirondelles. Dès qu’elle s’est assise, elle a sorti une feuille déjà froissée et s’est mise à écrire comme poussée par l’urgence : « ME voici dans le train et je viens vers vous, que je n’ai pas vus depuis si longtemps, tellement que vous avez peut-être même oublié mon nom. Il est temps pour moi de revenir, non pas pour recommencer ma vie, comme on dit abusivement (on ne la recommence jamais, sa vie), mais pour essayer un autre chemin. Je suis plus seule que jamais. N’allez pas croire que je m’en plains. C’est sûrement mieux ainsi. »
C’est bien la même femme que j’ai rencontrée hier, plus d’un an après le court trajet en train. C’est aux tatouages que je l’ai reconnue. Elle semblait heureuse, vêtue de couleurs claires et, cette fois, discrètement maquillée. Elle était assise au bord du fleuve et écrivait dans un carnet : « DIs-toi que le monde n’est pas fini. Que depuis l’origine, puisqu’à l’origine il y avait le Verbe, c’est une longue phrase qui s’écrit et qui s’écrit avec nous, avec tous, humains, ou autres vivants, qu’on les aime ou pas, qu’on les voie ou pas : nous sommes un moment de ce texte. Je n’écris pas ça en croyant à je ne sais quel dieu. Et le texte en train de s’écrire avec nous n’est sans doute pas fait que de mots. Et voilà : je veux seulement écrire que ce texte est encore en cours, que cette histoire n’est pas finie. »
Et elle arrache la feuille de son carnet, la pique dans un brin d’herbe et s’en va.

C’est à vous main tenant. Imaginez ce qu’une personne peut écrire : une tentative de lettre comme le fait la fille nommée Tête Fêlée dans le roman de Jean d’Amérique, Soleil à coudre ; le récit d’un match de foot en trois temps (deux mi-temps et les prolongations) ; une manifestation comme en évoque Philippe Artières dans son livre, Ghostwriters, d’où vient la photo ci-dessus…

Merci d’envoyer votre texte, composé selon les consignes proposées, dans les commentaires ci-dessous


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