Du 100% made in Marseille, du rap à toutes les sauces. V13, un album multi artistes produit par B18 PROD et OM Records, des labels marseillais et le label international BMG est sorti ce 2 juillet 2021. Plus de 30 rappeurs sont présents, en grande majorité des hommes ce qui n'empêche pas une grande, très grande diversité musicale. Tout en étant indéniablement rap.
Sans tous les citer, Kofs, Naps, L'Algérino, Jul, YL, Soprano, Alonzo, Elams, Thabiti, Graya, Tonyno, font partie des rappeurs présents sur cet opus. J'ai pu m'entretenir avec certains d'entre eux dont Tonyno, Elams, Thabiti et Graya.
Cet album est une ode à Marseille et à ses représentants, ses habitants, sa culture et ses artistes. Impossible de ne pas penser à 13 Organisé la compile sortie il y a environ un an, succès phénoménal, qui était construite sur le même principe. " C'est une continuité de 13 Organisé, qui a mis les rappeurs marseillais en valeur, leur ont apporté de la visibilité, nous on est dans la même optique " me dit Tonyno. Elams ajoute : " Le rapport avec 13 O c'est qu'on est marseillais, unis et que ça on ne peut pas nous l'enlever ". V13 s'inscrit dans la continuité de ce projet. C'est mettre le 13 à l'honneur, s'entraider, s'amuser et créer, constituer un ADN musical, dans " la joie et la bonne humeur ". Festif, collectif, local, mais en s'adressant à la France entière. La fierté de représenter est là, mais ne crée pas de concurrence ou de conflit par rapport aux autres villes, aux autres régions. C'est un album pour tout le monde.
La question de la visibilité est très présente et importante. Ici, les rappeurs, même les moins suivis sont traités à égal des plus en vue. Tous sont là pour ambiancer, s'ambiancer et construire un album frais, de qualité, qui mettra la lumière sur ceux qui en ont moins, et qui renforcera celle de ceux qui brillent déjà. Solidaire, presque fraternel c'est l'envie de mettre Marseille en avant, ses artistes, mais aussi motiver, encourager la mise en place, de nouvelles structures rap. Des studios, des labels, des médias locaux, ou tout ce qui pourrait faire progresser l'activité rap dans la ville. "Tout se passe à Paris, et c'est normal parce que c'est la capitale. On veut que V13 puisse motiver des gens à construire des choses à Marseille ! Même s'il y a du renouveau. " Précise Tonyno.
Lorsque je les questionne sur la signification du V dans le titre, les réponses fusent : " C'est le V de vendredi ! De victoire ! De vaillant ! De vécu ! De voyou ! De vie ! De violence ! De veni vidi vici ! De vaisseau ! De venin, ... ". Notez que toutes les réponses ne sont pas à prendre au premier degré. Au final c'est le V de tout ce qui peut vous venir à l'esprit, tant que ça vous rappelle l'album, et Marseille. Pour ce qui est de la pochette (ci-dessous), elle représente sobrement un des bâtiments des quartiers nords de la ville, d'où bon nombre de rappeurs sont originaires. Un décor peu exploité qui fait pourtant tout aussi légitime, quoique certainement moins glamour pour les touristes.
Concernant la concurrence entre Paris et Marseille dans le rap, tous sont d'accords " La rivalité est dans le ballon, pas dans la musique. On est solidaires entre rappeurs et on compte le rester. " me dit Graya. Je rajouterai " plus dans la musique " puisqu'il y a quelques années, une tension réelle existait entre les deux villes. Aujourd'hui c'est différent, les temps changent et les rapports aussi. Le rap s'est tellement développé, est tellement omniprésent en France, jusqu'en Outre Mer, que tout le monde à sa place et les conflits ne sont plus d'actualités, la compétition, il y en a toujours mais c'est bien plus respectueux, plus taquin qu'autre chose. V13 est une excellente preuve de cette évolution sur le territoire.
" On veut continuer à garder le flambeau, pour l'instant Marseille est au-dessus de la scène du rap français, et on veut le rester, c'est ça notre objectif " m'explique Thabiti. " Sans concurrencer " insiste-t-il.
B18 PROD et OM Records sont aussi un exemple de Marseille qui s'affirme et qui gagne en ampleur. Musicalement ce n'est je trouve, plus à prouver depuis longtemps, mais en terme de moyens, ce n'est pas pareil. Créé en 2019, B18 cherche à apporter de la visibilité aux artistes avec qui ils travaillent et veut s'implanter dans la scène urbaine marseillaise et française. OM Records est à peu près sur le même schéma. On comprend donc mieux pourquoi ils ont portés cet album si ambitieux, juste et symbolique. Produire un album c'est le monter pièce par pièce, contacter les artistes, organiser, gérer la tracklist, choisir les studios, et accompagner, participer à la création matérielle du projet de A à Z. Même plus tard, c'est un soutien sur le long terme et dans le concret.
Avec autant d'artistes, comment savoir qui fait quoi, sur quel titre, à quel moment, avec qui ? Ce sont les producteurs qui s'en occupent. " On a proposé des combinaisons qui nous semblaient justes aux artistes, qui ont tout de suite répondu présent. Ca c'est fait d'un commun accord. " Me dit Tonyno, présent sur un des titres du projet et producteur.
Marseille c'est chaud de Thabiti et Moh, On fait le halla de Naps, Irréversible de Jul (clip ci-dessous), de YL, de l'Algérino, de Saf et Lebeey, d' AM La Scampia, d' Houari et Kid, de Manny et Solda, Anniversaire de Raisse et Dika, de TK sont des petites pépites. Je suis loin de Mehdi YZ est complètement planant. d'Alonzo, prenant, touchant. Du kickage, de la drill, du chant, du club, tout y est, on se régale. Plus de 25 titres, il y a de quoi faire. C'est une véritable invitation, une immersion dans l'univers rap phocéen. On s'amuse, on se défoule, on passe d'une émotion à une autre, chaque morceau est bien propre à l'artiste ou aux artistes qui y participent. On ressent un vrai plaisir à l'écoute, et que chaque personne investie y a mit le cœur à l'ouvrage.
V13 mérite l'attention et la reconnaissance du public qu'il touchera, c'est une réussite, le témoignage d'une communauté qui n'a pas dit son dernier mot et qui ne cessera de se propulser sur le devant de la scène. Le tout dans la bienveillance et la vérité.