Cameroun – Simon Bassilekin Ndomilep : « 70 % des Camerounais ont des salaires très bas »

Publié le 02 juillet 2021 par Tonton @supprimez

L’enseignant d’Economie et techniques à l’Institut universitaire catholique de Douala aborde la question des revenus au Cameroun.

La hausse des prix de certaines denrées alimentaires reste une préoccupation pour les familles à faibles revenus. Qu’entend-on par faibles revenus?

Les salaires, chez nous, sont tellement distendus d’une catégorie à l’autre qu’on n’hésite, parfois, à les catégoriser. Nous savons que c’est depuis quelques années, que le salaire minimum de croissance est passé en Fcfa de 28 000 à 36 000. On connaît des jeunes qui, titulaires d’un Diplôme de formation du niveau Bac+5, gagnent difficilement 150 000 dans les Ets de Micro Finance (Emf). Ceux d’entre eux qui ont la chance de décrocher une place dans une banque atteignent quasi miraculeusement 400 000 Fcfa. Après ces deux « classes de chanceux » qui ont un emploi salarié et régulièrement payé, on passe à 600 000, 700 000 voire 900 000 ou 1 million de Fcfa. Au-dessus il y a, au plan statistique, quelques rares qui peuvent gagner le triple, voire le quadruple du million. Nous pouvons donc dire que les très « bas » salaires (en dehors des smicards), c’est autour de 200 000 Fcfa et les salaires intermédiaires vers les 6 ou 700 000 Fcfa. Mais, si nous considérons les effectifs dans chacune de ces catégories, nous découvrons que 65 à 70 % des Camerounais ont des salaires (très) bas (moins de 200 000) ; 10 % sont au niveau des bas salaires (moins de 400 000) ; 10 autres % ont des salaires qui permettent de satisfaire les besoins de base (entre 800 000 et 1 million). Il n’y aurait donc que 5 % d’entre nous qui gagnent de quoi vivre aisément chez nous.

Qu’est ce qui peut expliquer la flambée des prix sur le marché?

Nos consommations sont composées d’environ 60 % de biens et services économiques totalement (ou majoritairement) importés. Le « panier de la ménagère » est alimenté principalement par l’étranger (surtout par l’Occident). C’est à partir de là que les prix sont fixés ; d’où la discordance béante entre le pouvoir d’achat réel chez nous et les niveaux des prix qui y sont pratiqués. Dans ces conditions (pour évoquer un cas de brûlante actualité), le ministre du Commerce aura beau taper du poing sur la table, Cimencam va finir, en définitive, par augmenter le prix du ciment…

Qu’est ce qui doit être fait par le gouvernement pour aider les familles à faire face au pouvoir d’achat de plus en plus élevé ?

Le gouvernement a très peu de marge de manœuvre dans cette affaire pour deux raisons principales. D’abord nos salaires, d’une manière générale, sont désespérément bas. Compte tenu de ce que le gouvernement n’a pas d’emprise sur la gestion du Fcfa, sa monnaie nationale, il peut difficilement décider d’améliorer voire de chambouler cet espace de sa souveraineté détenue par une puissance étrangère ; laquelle a tout intérêt à ce que cette situation reste dans le statu quo. Elle en tire un profit exorbitant. Ensuite, les relations (principalement économiques) qu’il a décidé de nouer avec l’étranger mettent ce gouvernement en situation de faiblesse face à l’étranger. Regardez, à ce sujet, les attitudes et comportements arrogants que Chinois et Français adoptent vis à vis du gouvernement lui-même et de leurs collaborateurs camerounais. Une telle situation ne pourrait évoluer en notre faveur que si, et seulement si, le gouvernement avait l’aptitude de changer les choses, de faire bouger les lignes. Malheureusement, ce n’est pas, en l’état actuel des choses, cette attitude-là que l’observateur, même neutre, perçoit de la part du gouvernement, en cette matière. Les « Accords coloniaux » au profit de la France et les relatifs à la signature des zones de protection éloignée et qui régissent encore notre quotidien économique montrent, à suffisance, que le gouvernement ne semble pas être dans les dispositions de vouloir « renverser » ces déséquilibres au profit du pays et, partant, à notre profit à tous.

Propos recueillis par M.L.M (stg)