« La vie humaine a la même valeur partout... Nous avons besoin de plus de droits de l'Homme et non de moins », s'écriait l'ancien Président de l'Assemblée du Conseil de l'Europe au lendemain du 11 septembre. dans une déclaration que nous reprenons ici en guise d'hommage. Lord Russel-Jonston vient de mourir, à 76 ans, après une vie consacrée à l'approfondissement des valeurs de "l'Europe De Strasbourg"
Libéral ? Oui. Un vrai. Dans le seul sens acceptable : celui qui aime la Liberté et se bat pour les libertés. Démocrate ? Oui. Authentiquement. Lord Russell-Johnson qui fut Président de l'Assemblée du Conseil de l'Europe où il a siégé 23 ans durant, appartenait à cette génération d'Européens qui savaient concilier utopie et réalisme.
Son idéal démocratique était animé par la volonté de donner du sens au mot « valeur » par le Droit. L'état de droit. D'un droit qui soit mis au service de la Justice, y compris sociale. D'un droit qui ne soit pas qu'un outil utilitaire pour un « vivre ensemble » plus chargé d'hypocrisie et de reniements que d'idéaux partagés et cultivés.
En dépit de la trêve estivale qui vide les palais de l'Europe à Strasbourg, à Bruxelles et ailleurs, l'annonce de la mort de ce Lord écossais a suscité une profonde émotion dans les milieux proches du Conseil de l'Europe.
'C'est un triste jour pour tous les défenseurs de la justice et de la paix et pour tous les humanistes. Il laisse un grand vide dans le cœur de tous les Européens qui ont eu le privilège de croiser son chemin'', a déclaré le président de l'Assemblée parlementaire, Lluis Maria de Puig,
''Nous avons perdu un immense parlementaire qui croyait passionnément à la grande Europe, une Europe où chacun jouirait de la démocratie, des droits de l'homme et de la primauté du droit'', a déclaré le Secrétaire Général, Terry Davis.
''Il croyait fermement à l'importance de la démocratie locale et régionale en tant que partie intégrante de la structure démocratique,'' a ajouté le Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, Yavuz Mildon.
Ces hommages ne sont pas que de circonstances. Ceux qui ont eu la chance d'approcher Lord Russel-Johnson et de suivre ses activités militantes savent l'importance de sa contribution à l'extension du champ démocratique en Europe. Et à l'approfondissement de cette démocratie toujours à parfaire à ces droits de l'Homme sans cesse à cultiver. Il était, comme le rappelle l'actuel Président de l'Assemblée, ce qui nous manque de plus en plus,peut-être : un soldat de la « moralpolitique » trop souvent écrasée par la réalpotitik
En hommage à cette personnalité qui était également riche de générosité et d'un sens aigu de l'amitié et de la convivialité,Relatio-Europe reproduit un de ses textes qui, surtout remis dans le contexte chargé d'émotion et de stupeur de l'époque,(le 24 septembre 2001, quelques jours après le « grand choc », le « séisme » du 11) est révélateur de son souci de ne combattre les ennemis de la démocratie que dans le respect de la démocratie.
Un appel pas assez entendu qui aujourd'hui encore reste un indispensable... rappel !
Lord Russell-Jonhson avait vu juste. Le propre d'un responsable politique digne de ce nom est de dominer l'émotivité des individus et des foules.
Daniel RIOT
« La vie a la même valeur humaine partout »
Par Lord Russell-Johnston,
« Les attaques terroristes commises aux Etats-Unis nous ont laissés en état de choc, muets de peur, de colère et de peine, capables seulement d'émettre une sorte de défi impuissant. Inattendues et impitoyables, elles ont tué des milliers de personnes, nous rappelant avec une extrême brutalité combien sont fragiles notre monde et notre mode de vie.Nous avons réagi d'instinct à la destruction du World Trade Center. Nous éprouvions de l'horreur, de la colère et le vif espoir que ceux qui sont prêts à massacrer ainsi des innocents ne l'emportent pas en paradis ou qu'on les empêche de récidiver.
Aujourd'hui, je me rends compte que nous avons besoin aussi de réflexion. Cela ne doit certes en aucun cas se substituer à la résolution de lutter contre la menace terroriste dans le monde en vue de l'éliminer, mais il nous faut établir avec soin et clarté la manière dont cette tâche doit être accomplie.
Nous devrons peut-être recourir à la force pour atteindre nos objectifs, qui sont de traduire les coupables en justice et de prévenir tout crime semblable à l'avenir, mais afin d'y parvenir, nous devrons également faire en sorte que cette force soit employée d'une manière appropriée, proportionnée et rationnelle.
Nous devrons donc définir ces objectifs avec une clarté et une précision sans failles. Entretenir la terreur et les préjugés à l'encontre des innocents ne saurait se justifier - comme l'ont dit les Américains eux-mêmes - en tant que "dommage collatéral" dû à la colère que nous inspirent les coupables.
Nous devrons veiller à ce que nos efforts soient perçus et soutenus pour ce qu'ils sont, à savoir une lutte en faveur de la justice et contre le crime, non pas des représailles de l'Ouest contre l'Est, des riches contre les pauvres, d'une religion contre une autre, de "nous" contre "eux".
D'autre part, en entreprenant la recherche des responsables, nous devrons nous engager à essayer de comprendre les origines politiques, sociales et économiques de l'escalade de la violence terroriste observée au cours des dernières années.
Non pas que ces origines - quelles qu'elles soient - puissent servir à justifier ce qui s'est produit ou que nos efforts pour les comprendre doivent avoir la moindre influence sur les intentions de tous les Ben Laden de la planète.
De tels êtres ne cherchent pas à corriger les injustices; ils se contentent de les exploiter pour justifier leurs actes de terreur. Mais si nous sommes insensibles aux injustices politiques, économiques et sociales qu'on observe dans certaines parties du monde, nous facilitons la tâche des terroristes en leur offrant un terrain favorable à la recherche d'appuis politiques comme au recrutement de sympathisants.
Si nous voulons réussir, nous devons montrer qu'à nos yeux, la vie humaine a la même valeur partout, que ce soit dans les rues de Manhattan ou dans celles de Ramallah, de Tel Aviv et d'Alger. Nous devons faire preuve de la même résolution à punir tous les crimes commis contre des civils innocents, que ce soit à Washington, à Srebrenica ou à Alkhan Yurt.
Aujourd'hui, nous avons besoin de plus d'humanité et de justice. De plus de droits de l'homme et non pas d'un recul de ces valeurs. »
Lord Russell-Johnston,
président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Strasbourg, 24 septembre 2001.
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