C’est accompagné de tous ses lieutenants impliqués dans la production et la distribution de l’eau et de l’énergie que le ministre en charge de ces deux secteurs a subi l’assaut des députés au cours de la séance plénière spéciale d’hier lundi 28 juin 2021.
Focus sur l’électricité
Au Palais des congrès où siège pour l’instant la Représentation nationale, il a fallu un sursaut de solidarité entre les directeurs d’Eneo, de Camwater, de Sonatrel et d’Arsel pour satisfaire les questionnements des députés particulièrement aux faits des souffrances des populations face à la soif et l’obscurité à la tombée de la nuit dans certaines localités du pays. Et ce n’est pas une vue de l’esprit car on a appris hier à l’Assemblée nationale que 9000 localités du pays ne sont pas encore électrifiés, et pour ce faire, il faudrait débourser une enveloppe de 874 milliards de Fcfa. De manière globale, Eloundou Essomba n’a pas fait mystère du fait qu’il faudrait sur la table au bas mot une enveloppe de 6000 milliards pour une offre d’énergie optimale en 2035. Il y a donc du chemin à faire. « L’accès à l’électricité et à l’eau reste critique dans les zones urbaines et pire encore dans les villages de l’arrière-pays », diagnostiquait d’entrée de jeu Cavaye qui a tenu à présider himself cette séance plénière spéciale portant sur les secteurs névralgiques de la vie nationale.
« Entre forages qui fonctionnent juste le temps de leur réception, les canalisations d’eau qui se rompent et déversent des jours durant de l’eau dans la nature sans intervention d’urgence ; l’électrification rurale dont le transport d’énergie et la stabilité physique durent le temps d’une année budgétaire ; la durée des délestages qui ne se compte plus en heures mais en jours, voire en mois, obligeant les opérateurs économiques à s’équiper en groupes électrogènes d’appoint ; la mauvaise qualité de services des opérateurs du secteur de l’eau et de l’électricité, voilà quelques images du vécu dans ce secteur sensible et névralgique », admonestait à juste titre le président de l’auguste Chambre avant de céder la chaire à Gaston Eloundou Essomba qui se savait attendu pour toute la représentation nationale. Il lui a fallu pas moins de deux heures d’horloge pour exposer sur la problématique d’accès à l’électricité et à l’eau.
Il a indiqué d’entame qu’il y a eu un diagnostic exhaustif à sa demande sur le service public de l’électricité réalisé sur l’ensemble du territoire national de janvier à mai 2021, dans les 3 réseaux interconnectés : Nord (Rin), Est (Rie), Sud (Ris). C’est sur les données de son exposé que les députés vont se succéder au pupitre pour le pilonner de questions. Heureusement pour lui, que le document de 36 pages qu’il a produit explicitait pour l’essentiel les interrogations des députés. Comme a indiqué un élu du peuple, c’est tous les 180 députés qui devaient se précipiter pour poser des questions car le déficit de l’eau et de l’énergie est la chose la mieux partagée au Cameroun. La lancinante question qui revenait en boucle soulevait un pan de voile sur l’immensité des besoins du pays en offre d’énergie électrique. Où est-ce que le Cameroun prendra-t-il les 6000 milliards pour sortir du noir ? That’s the big question.
Le réseau interconnecté nord de tous les délestages
Ce réseau couvre les trois régions septentrionales du pays que sont l’Extrême-Nord, le Nord et l’Adamaoua. Il compte un parc de 68.460 poteaux en bois vieillis qui demandent à être remplacés. Depuis le mois d’octobre 2020, a indiqué le patron de l’Eau et de l’énergie au Cameroun, ces régions subissent des délestages à cause de la baisse de l’hydrologie observée au niveau du barrage hydroélectrique de Lagdo, principal ouvrage de production de l’énergie électrique dans le Rin, appuyé par les centrales thermiques de Garoua –Djamboutou, Ngaoundéré, Maroua et Kousseri. La mauvaise pluviométrie est la cause principale des délestages dans ce réseau interconnecté. Le niveau de remplissage du barrage de Lagdo chuté de 4 milliards de mètres cubes d’eau en octobre 2019 à 2 milliards de mètres cubes en 2020. Construit au départ pour une puissance installée de 72 Mw, l’ouvrage qui produit 61 Mw en hydrologie normale, atteint à peine 20 Mw actuellement à cause du manque d’eau pour faire fonctionner les turbines à plein régime.
Il faut d’ailleurs souligner qu’à l’heure actuelle, le problème de l’indisponibilité ou de la rareté des poteaux ne concerne pas seulement une région particulière. Il est quasi général et se pose sur l’ensemble du pays. Le parc actuel, évalué 1.300.000 poteaux en bois au niveau national est à 60% vétuste, étant donné que les champs d’eucalyptus sont difficiles d’accès, en raison de l’insécurité qui y règne, rendant cette ressource rare. Pour y remédier aux délestages dans ce réseau, il y a eu le démantèlement d’une partie de la Centrale d’Ahala à Yaoundé pour renforcer l’offre de production. Il y a également ici deux projets d’énergie solaire en cours, entre autres.
Le Rie et sud Ris, fort potentiel, faible productivité
En ce qui concerne le Rie, il couvre la région de l’Est. Il se caractérise par une faible offre de l’énergie électrique. Il est le seul réseau interconnecté qui est alimenté uniquement par 6 centrales thermiques gérés par le concessionnaire Eneo et 14 autres gérés par les communes. La source principale de production dudit réseau est la centrale thermique de Bertoua qui couvre seulement les communes sur les 33 que compte la région de l’Est. Pourtant, la région de l’Est compte 12 sociétés forestières et plus de 40 entreprises minières. Le gouvernement affecte une enveloppe d’un milliard de Fca à Eneo par semaine au lieu de 1,6 milliard nécessaire pour alimenter en combustibles et faire fonctionner les centrales thermiques.
Pour sortir de cette impasse, il est prévu que la première turbine du barrage de Lom Pangar sera mise au courant de cette année et ajoutera 7,5 Mw d’offre en énergie en attendant la mise sur pied progressive des 3 autres turbines pour atteindre 30 Mw attendue de cette usine en 2022. Il y a aussi la connexion du Ris au Rie prévue au courant du mois de décembre 2021. Le Ris, le réseau interconnecté sud, quant à lui couvre les six régions duCentre, du Sud, de l’Ouest, du Littoral, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Il dispose d’un énorme potentiel en matière d’hydroélectricité. L’essentiel de de ce potentiel se trouve dans le bassin versant de la Sanaga. Globalement, a réitéré Eloundou Essomba, le problème de l’offre de production de l’énergie ne se pose pas dans le Ris. C’est davantage les difficultés liées à la vétusté, à la surcharge des équipements de transport et de distribution qui sont à l’origine des interruptions de l’énergie électrique. Du fait de la forte croissance démographique, certains équipements de transport et de distribution d’électricité sont aujourd’hui surchargés.
Pays lumière en 2035
Les transformateurs sont sollicités au-delà de leur capacité de fonctionnement entre autres. Pour trouver des solutions, il convient d’indiquer que dans les années 2002, 2011 et 2015, le Cameroun était structurellement déficitaire en offre de production, en raison de ce que cette production était essentiellement tributaire de la qualité de l’hydrologie. On peut de ce fait citer les barrages réservoir de Lom Pangar et la centrale hydroélectrique de Memve’ele qui injecte 90 Mw par jour dans le Ris. Cette production passera à 211 Mw.
A long terme des projets en cours de maturation comme la Centrale thermique à gaz de Limbé (350 Mw), les barrages de Grand Eweng (1000 Mw), Chollet (600 Mw) et Kilot (500 Mw) seront mis en œuvre.C’est là quelques pistes explorées par le patron de l’eau et de l’énergie pour faire du Cameroun un pays lumière en 2035. Reste maintenant à savoir comment cela se fera pour trouver la cagnotte de 6000 milliards.