Détenu depuis mars 2019, puis inculpé aux côtés d’Edgard Alain Mebe Ngo’o de complicité de détournement et de blanchiment de capitaux, portant sur un total de plus de 38 milliards Fcfa, le dossier de l’ancien Dga de la Société camerounaise de Banque semble désespérément vide.
Son chemin de croix a commencé le 5 mars 2019, date de sa mise en garde à vue. Pour ce haut cadre de banque, c’était le début d’un calvaire sans nom. Le ciel lui tombait sur la tête. Depuis cette date, sa famille et son conseil attendent avec impatience que la Justice dise le droit et le disculpe. Mais l’attente se fait longue et l’espoir de voir le mis en cause retrouver la liberté, a visiblement passer le relais au désespoir. Pourtant, soutiennent certains avocats qui suivent cette affaire, le dossier de Victor Emmanuel Menye est archivide ; il ne contient aucun élément à charge. De quoi interroger ce que beaucoup qualifient aujourd’hui d’ « acharnement judiciaire » d’une violence et d’un brutalisme comme disait Achille Mbembe absurde. Comment comprendre qu’après 27 mois de privation de liberté et de procédures à n’en plus finir, l’homme continue de croupir derrière les barreaux ?
Pour cerner les contours de l’affaire qui l’a conduit dans ces ténèbres, il faut remonter en août 2018, lorsque l’Agence nationale d’investigation financière (Anif)réagit à une correspondance du ministre secrétaire général de la présidence de la Républiqueportant en objet : « la situation de Mag Force au Cameroun ». Dans sa réponse, le directeur de l’Anif commence par donner des informations financière et bancaires sur messieurs Mebe Ngo’o, Mbangue, Mboutou et dame Mebe, sans rapport avec l’objet de la lettre du Sg/Pr à moins que ces informations soient sollicitées par téléphone ou courrier séparé. La première curiosité est que l’Anif rende des comptes au « Vice-dieu » alors que ni dans ses missions ni ses attributions, son décret de création ne l’ai pas prévu comme chef hiérarchique de l’Anif ou comme destinataire des résultats de ses investigations.
Mesures conservatoires
Ensuite, l’Anif donne enfin des informations sur Mag Force Cameroun, ses actionnaires, sa domiciliation bancaire. Ce qu’il y’a de plus intrigant, c’est que le nom de Victor Emmanuel Menye n’apparaît nulle part dans cette correspondance. Plus grave, le compte de Mag Force Cameroun est domicilié à la Société générale Cameroun et non à la Société commerciale de banque Cameroun où Monsieur Menyeassure les fonctions de Directeur adjoint depuis le 7 septembre 2012. Sur la base de cette lettre transmise au Procureur général près du Tribunal criminel spécial le 29 janvier, l’autorité judiciaire a prescrit aux officiers du Tcs de procéder à des mesures conservatoires le 31 janvier à l’encontre de Mebe, Mbangue, Mboutou et dame Mebe notamment : le retrait de passeport, l’interdiction de sortie du territoire, et le blocage des comptes bancaires.
Autre curiosité, aucun responsable de Mag Force Cameroun n’est inquiété. Sieur Menye participe librement au conseil d’administration de la Scb le 7 février 2019 à Casablanca au Maroc. Après le passage des mis en cause à partir du 14 février 2019, aux auditions des fins liniers du Tcs, l’infortuné est convoqué comme témoin le 18 février 2019. Sur quelles bases les enquêteurs du Tcs ont posé aux personnages sus-cités, des questions sur Menye ? Y a-t-il eu un document parallèle ou des instructions téléphoniques pour procéder à ces interrogatoires ? Toujours est-il que l’ex Dga de la Scb est convoqué au Tcs comme témoin le 18 février 2019. Toute chose qui ne l’a guère empêché de se rendre à une réunion de la Cobac le 25 février 2019 à Libreville. Bien qu’ayant sur lui des visas en cours de validité pour le Maroc et la France, il rentre au Cameroun sans aucune inquiétude et en toute confiance.
Menye blanc comme neige ?
Convoqué de nouveau le 5 mars 2019 comme suspect cette fois, il est mis en garde à vue, et en détention provisoire le 8 Mars 2019. Le Juge d’instruction Monsieur Jean Betea motive sa décision sur les infractions suivantes : complicité et coaction de détournement de biens publics avec Mebe Ngo’o et Robert Francetti à concurrence de 1,3 milliards Fcfa ; complicité et coaction de blanchiment aggravé de capitaux avec l’ex Mindef et Robert Franchetti à hauteur de 1,3 milliards Fcfa. « Cette privation de liberté au sieur Menye a été prise arbitrairement et illégalement par le Juge sur aucune base légale. Uniquement sur la base des déclarations d’un mis en cause sans un recoupement quelconque. Ce qui est strictement et de manière permanente en violation de l’article 311 du Code de procédure pénale du Cameroun », commente un avocat qui a requis l’anonymat. Cet article indique que le tribunal ne peut fonder sa décision sur des déclarations d’un coaccusé si elles ne sont pas corroborées par un témoin hors de la procédure, ni des éléments probants de preuve. A date, « rien, absolument rien n’est à charge contre monsieur Menye Ni les témoignages des responsables du Mindef, ni le retour des commissions rogatoires de Belgique, de France n’incriminent monsieur Menye ».
Bien plus, sieur Franchetti, promoteur de Mag Force, dans sa réquisition indique que sieur Menye ne l’intéressait pas ne faisant pas partie du personnel du Mindef et sa structure ne travaillant pas avec la Scb et le Groupe Attijari Wafa Bank. Plus intrigant, le Ministère public a déclaré lors des audiences, que les marchés surfacturés, et fictifs sont les moyens du détournement. Sur les 67 marchés querellés, Menye n’est ni signataire, ni bénéficiaire directe ou indirectde ces marchés. Plus grave, « aucun de ces marchés n’est payé via la Scb. Tous sont payés à partir du Trésor public (ministère des Finances). Tous les éléments objectifs, et surtout se droit convergent vers une conclusion unique : Victor Menye n’a rien à faire à Kondengui », tranche sous cape, un substitut du Procureur. L’arbitrage de Laurent Esso est vivement attendu !