Très attendue ce vendredi à l’Assemblée nationale, la publication de ce volumineux document est reportée à une date ultérieure, sans raisons officielles. De quoi en rajouter à l’anxiété dans laquelle sont plongés les départements ministériels visés.
L’affaire constitue peut-être le plus gros scandale de détournements massifs de ces dernières années au Cameroun. Et la nouvelle de ce vendredi tombe comme un couperet sur la tête de ceux qui travaillent avec acharnement ces derniers jours, selon les directives du chef de l’Etat, pour rendre la copie définitive du rapport d’audit des 180 milliards de la dotation globale du Fonds spécial de solidarité nationale pour la lutte contre le Coronavirus, partagés entre plusieurs départements ministériels. En effet, alors que la présentation du rapport définitif de la Chambre des comptes de la Cour suprême relatif à la gestion des fonds alloués à la riposte nationale contre le Covid-19, est attendue ce vendredi à l’Assemblée nationale, l’on apprend de source très crédible qu’elle est reportée à une date ultérieure, sans toutefois justifier les raisons de ce report.
Mais une source en service à la Chambre basse du Parlement, indique qu’une « haute instruction » serait venue du Palais de l’Unité pour faire glisser la séance de ce jour. Informé de ce changement de dernière minute, le Secrétaire général de l’Assemblée nationale Gaston Komba a piqué une colère verte. À en croire notre informateur, Gaston Komba a manifesté son courroux en soutenant que « la présentation du rapport au Parlement est une prescription du président de la République et de la loi des finances de 2018 ». Il ajoute d’ailleurs que cette présentation du rapport obéit aux exigences du Code de transparence de 2018.
Curiosité
De leur côté, les magistrats de la Cour des comptes se disent surpris de ce changement et craignent que le rapport ne soit modifié avant d’être rendu public. Ils souhaitent d’ailleurs, révèle un haut magistrat de cette juridiction et qui a requis l’anonymat, que la publication dudit rapport se fasse telle que la loi le préconise. En scrutant le rapport définitif dont Le Messager a eu l’exclusivité de parcourir quelques pages, deux acteurs sont principalement visés par le rapport des magistrats : Malachie Manaouda, le ministre de la Santé, et Madeleine Tchuente, la ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation. La Cour des comptes requiert des poursuites judiciaires contre ces deux ministres. Manaouda Malachie avait déjà été auditionné le 19 mai dernier par les fins limiers du Tcs dans son bureau, comme il est d’usage pour les ministres en fonction. C’est lui qui avait mis en place le groupe de travail chargé de l’attribution des marchés spéciaux et des lettres de commandes spéciales.
Ledit groupe de travail avait refusé de transmettre à la Chambre des comptes les copies des documents sur la base desquels ils sélectionnaient les prestataires et ceux stipulant les conditions dans lesquelles ces marchés avaient été attribués. Pourtant, les investigations des magistrats ont pu établir qu’une entreprise, Mediline Medical Cameroon SA (MMC SA), a bénéficié d’un quasi-monopole dans la fourniture d’équipements. Madeleine Tchuinte quant à elle, avait proposé et obtenu du chef de l’État la production locale de médicaments tels que la chloroquine et de l’azithromycine. Le projet fut budgétisé à hauteur de 4,05 milliards de Fcfa. Problème : l’Institut de recherche médicale et d’études des plantes médicinales (Impm) n’a jamais été en capacité de produire ces médicaments. Pourtant, au 31 décembre 2020, un montant de 657 088 524 de Fcfa de dépenses avait déjà été exécuté au titre de cette activité que l’Impm a présenté comme la fabrication au Cameroun de 5 millions de comprimés d’hydroxychloroquine.
Les exemptés
Mais la Chambre des comptes est formelle : « En réalité, l’Impm a plutôt procédé à l’acquisition en Inde de 5 millions de comprimés d’hydroxychloroquine, 500 000 comprimés d’azithromycine et 300 kilos d’intrants d’azithromycine livrés le 29 juillet 2020. Il a alors procédé à leur reconditionnement dans des emballages achetés et imprimés avec la mention “Achetés par Zaneka, [une entreprise fictive selon le rapport] conditionnés par l’IMPM” alors même que les médicaments étaient entrés au Cameroun dans des emballages respectant les bonnes pratiques de fabrication et de conditionnement. (…) Au 31 décembre 2020, aucun médicament n’avait été transféré au ministère de la Santé ».
Outre ces deux membres du gouvernement visés par le rapport, plusieurs autres ministres et assimilés sont concernés par ce rapport définitif. Parmi ceux qui s’en sortent sans grandes inquiétudes. C’est le cas du ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana et le ministre de l’Education de base, Serge Laurent Étoundi Ngoa. Par contre, des fautes de gestion ont été retenues contre certains collaborateurs du ministre du Commerce. Il a également été recommandé l’ouverture de procédures concernant des faits susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale contre trois hauts responsables de l’Impm. Aussi, des observations ont été faites contre le Premier ministre Joseph Dion Ngute et le ministre des Finances Louis Paul Motaze.