Jean-Claude Schneider publie Récitatif en ruine aux éditions Le Bruit du temps ainsi qu’un essai sur Paul Celan, Entretien sur Celan.
Extraits de Récitatif en ruines :
mots ici creusent détruisent — par exemple
lui autrefois tout ouïe tournant dans le cercle de ses murs d'ombre se grattant pour s'extirper quelque musique déchirée à la traîne de mots qui venaient se vidaient
maintenant plus que regard se dévisage de face comme autoportrait
yeux inversés et plis d'amertume ceux de la mémoire se crispant épine dans le cerveau se voyant se voir œil léchant jusqu'aux lombes la boue des jours
piétine l'hier renie se nie démantibulé en repentirs avec comme outil d'écorchement sa dent qu'il ébrèche
envenime ses mots qu'il appuie comme l'aigu d'un caillou là où se sent plus bas la veine où se punit la main d'avoir si tard expecté que se fende sa chrysalide de muré
nerfs ici tranchés l'écorce de sa cornée à vif dans l'air hérissé de cris de dépeuplements muets de chairs dissoutes de massacres rumeur fossile trous dans la cervelle de l'espèce
le c'est-comme-ça du déferlant bruit de fond matière que viendra sa parole lamper
d'où barbelées paroles ongle le mot en éclats comme une toux
oublié de se mordre la langue la vipère et cela vers humaine figure lancé d'un qui-ne-se-referme-pas et parle hache pour acheminer la stridente récitation noyer les cavernes réveiller
le coryphée réduit au sil–
lui yeux vidés sa sorbonne enfin translucide
(...)
(p. 19-20)
///
envie de te
taire
mots restent mots presque rien
trop peu de chair de
ténèbres
flottent
sans bruit ni crispation d’air
se noient
comme inentendus
autant se couper main langue
/
lit refroidi de pierraille sur la neige
quelques becquets de sens en tous sens après
le point de fin
nagent
surn–
légères légères
pierres
Elle te toucheront à la fin
loutre vie
momies
/
bouche
aux barbaries hystériques
au sans poids sans relief bavardage
bée
dans la rencontre monde homme langue
dessine muet l’
o
ayant pris résonne
boue
dans quoi sont comme posées les choses
/
très-silencieuse eau sèche où baigne
ton cerveau un
il
maintenant fil cheveu promène de par la terre
sa floconneuse
réponse
ce parleur dont le parler
à défaut d’être pli après pli d’obscurité de ce qui
ne serait pas pur battement d’aile
le fossoyeur
d’être
un que rien ne prouve
te plonge
(stupeur disent tes yeux de bête) dans une
silencieuse musique
(...)
p. 43-46.
Jean-Claude Schneider, Récitatif en ruine, Le Bruit du temps, 2021, 135 p., 19€.