Paul Valet (pseudonyme de Georges Schwarc, déformé ensuite en Schwarz) (1905-1987) est un poète français d’origine polonaise et ukrainienne. D’abord destiné à une carrière de pianiste concertiste, il se lance dans des études de médecine (psychiatrie) et devient généraliste puis homéopathe après quelques années. Pendant la guerre 39-45, il dirige un réseau de la Résistance. Il apprend à la fin de la guerre que ses parents et sa sœur ont été gazés à Auschwitz. Il devient poète après la guerre, à plus de 40 ans, et publie de nombreux recueils de 1948 à sa mort. A cette même période, il commence également la peinture et reprend le piano.
(sources : éditeur et Wikipédia)
Ces poèmes proviennent du livre La Parole qui me porte publié chez Poésie/Gallimard en 2020.
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Page 192
(Poème extrait de « Paroles d’Assaut »)
Le Voyant
Etre lucide
C’est perdre connaissance
Etre libre
C’est perdre l’équilibre
Etre vengeur
C’est terrasser la vengeance
Etre intact
C’est traverser l’évidence
Etre aux abois
C’est passer au-delà
Invincible est la détresse
De celui qui voit
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Page 111
(Poème extrait de « Points de chute »)
Contre moi
Il n’y a pas de remède
Il n’y a pas de règle
Pour sombrer
Chacun porte son vide
Où il peut
Une grande époque
Fait ses monstres hors mesure
A la cime des gloires
Les vautours font leurs nids
Les poètes aboient
La poésie passe
On ne traverse pas intact
Une forêt de paroles
Tout au bout de la nuit
La même nuit recommence
Ma mémoire est criblée
De poèmes hérissons
Tout poème souverain
Est tributaire de l’enfance
Toutes les petites choses
Nous implorent de rester parmi elles
Ces menus objets qui nous gardent
Les cuillères les assiettes et les bols
Ont tant besoin de nos mains
Je suis dépassé par mon ombre
En moi
Coulent des fleuves et des torrents puissants
Tous ils se jettent dans la mer morte
Chaque larme
Me rapproche de la mer
La nécessité
Est une maîtresse de choix
Le poète
N’a qu’une seule dimension
Prendre sur soi
L’homme entier
Entre quatre murs de paroles
Protéger ses oublis
Scier distinctement
Le vieux tronc qui nous porte
Sombrer consentant
Dans l’abîme du futur
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PAUL VALET