(Anthologie permanente) Richard Pietrass, Coronaden

Par Florence Trocmé


Le poète allemand Richard Pietrass, dont les éditions L'Oreille du Loup avaient publié en 2017 un choix bilingue de poèmes, Nuit ailée/ Beflügelte Nacht, dans une traduction d'Alain Lance et Gabriele Wennemer, a publié l'an dernier Coronaden, un ensemble de 38 tercets inspirés par la pandémie. Une édition bilingue vient de paraître, à l'occasion du soixante-quinzième anniversaire du poète, version française établie par les mêmes traducteurs. 250 exemplaires, dans une maquette de Manfred Richter, édités au Typostudio und Verlag Schumacher Gebler, à Dresde.
Ville dans les baisers des fleurs
Comme je la trouve haletante
Dans le corset de la mort
Die blütengeküsste
Stadt wie find ich sie atmend
Im Schnürleib des Todes
   *
Violons, rondes de balcon
Bulles de savon qui planent
Sur des poumons enlacés
Stehgeigen Balkonreigen
Seifenblasen über
Umarmten Lungen
   *
Le livreur de soupe
Dans une boîte noire apporte
Le gobelet de lentilles
Der Suppenkurier
In schwarzer Kiste bringt er
Den Linsenbecher
   *
Le terrain de jeu bouclé
Une cour de prison couronnée
De forsythias
Der verriegelte
Spielplatz ein forsythienbekränzter
Gefängnishof
   *
Les patrouilleurs dans le parc
Patients comme des anges sermonnent
Canards et connards
Die Parkpatrouillen
Mit Engelszungen predigen sie
Enten und Studenten
   *
Sur la balance du pommier
Étalonné par le vent un moineau
Picore les bourgeons qui s'éclatent
Auf der windgeeichten
Apfelbaumwaage pickt der Hausspatz
Platzende Knospen
   *
Les morts solitaires
Tendent patiemment l'oreille
Vers les pas à leurs pieds
Die einsamen Toten
Langmütig lauschen sie auf Schritte
Zu ihren Füssen
   *
On se reverra
Dans cette vie susurre la peste
Et noircit le reste
Man sieht sich
Lispelt die Pest zweimal im Leben
Schwärzt den Rest
Proposition, choix et traduction (avec Gabriele Wennemer) d’Alain Lance