Alors qu’à chacune de leurs sorties, les autorités à tous les niveaux rassurent que «la situation est sous contrôle», sur le terrain, le cycle de violence avec son cortège de morts se multiplie. Aussi bien parmi les forces de défense, les terroristes que les populations civiles.
A l’issue de la dernière conférence semestrielle des gouverneurs de régions qui s’est achevée le 14 juin 2021 à Yaoundé, les gouverneurs du Nord-ouest et du Sud-ouest où la guerre sévit depuis quatre ans, ont rassuré que la situation était sous contrôle. Mais comme pour leur faire un pied de nez, le 15 juin 2021, les bandes armées ont enlevé six fonctionnaires à Misore-Balue, un village de l’arrondissement d’Ekondo-Titi, près de Mundemba dans le département du Dian, région du Sud-ouest du Cameroun. Les six compagnons d’infortune étaient réunis au même endroit à l’occasion d’une descente sur le terrain pour procéder à une démarcation devant faciliter le travail de construction des lignes électriques. Deux jours plus tard, Mabia Johnson Mudika, responsable départemental du ministère de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire dans le Ndian, est tué en captivité par ses ravisseurs, selon les sources officielles. On est toujours sans nouvelle des cinq autres, à savoir les responsables locaux des ministères des Domaines, du Développement urbain et de l’Habitat, de l’Eau et Energie, des Petites et moyennes entreprises, et des domaines du Ndian.
Quelques questions simples s’imposent ici: comment une telle concentration de responsables de la fonction publique peuvent effectuer une mission aussi importante dans cette région sans bénéficier de la protection rapprochée des forces de l’ordre ? Avaient-ils informé les autorités militaires de leur mission? Dans tous les cas, la réalité sur le terrain prouve bien que la situation n’est pas sous contrôle. Entre-temps, les accrochages entre les bandes armées et l’armée régulière, avec leurs cortèges de morts d’un côté comme de l’autre, sont presque quotidiens, comme pour rappeler à l’opinion que la guerre se poursuit de plus belle. Depuis quatre ans, les déclarations pour rassurer quant à la maîtrise de la situation sur le terrain se multiplient. Mais les violences sur le terrain viennent toujours démontrer que ce ne sont pas les discours qui ramènent la paix et la sécurité dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Pendant tout ce temps, les organisations non gouvernementales, les partenaires bilatéraux et multilatéraux du Cameroun, la presse nationale et internationale, ont toujours multiplié des sorties pour inviter les autorités camerounaises à abandonner résolument la voie de la guerre comme solution à la crise qui s’enlise en zone anglophone.
Par exemple, dans une déclaration de presse datée du mardi 6 novembre 2018, le Porte-parole du département d’État américain à Washington DC, Heather Nauert soulignait déjà que «les États-Unis expriment leur grave préoccupation face à la crise anglophone bourgeonnante dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun. Nous demandons qu’il soit immédiatement mis fin aux attaques aveugles dirigées contre les civils et aux incendies des maisons par les forces gouvernementales camerounaises, ainsi qu’aux attaques perpétrées par les séparatistes anglophones contre les forces de sécurité et les civils».
Mais à bien y regarder, Etoudi semble cohérent dans la solution à apporter à cette crise depuis le départ. Dans son discours d’investiture le 6 novembre 2018, Biya avait pris un engagement bien ambigu: «Je ferai en sorte que le calme et la sérénité reviennent dans le Nord-ouest et le Sud-ouest».
Une salve d’applaudissements avait accueilli cette déclaration. Le président nouvellement réélu de la République du Cameroun était attendu sur ce terrain. Particulièrement par le corps diplomatique, notamment les ambassadeurs des grandes puissances qui avaient dans l’ensemble «prescrit» au vainqueur de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018 de s’impliquer prioritairement sur cette question. Notamment la France, la Grande Bretagne et les Etats-Unis qui avaient nuancé leurs messages, dans un contexte marqué par la contestation de la victoire proclamée de Paul Biya.
Paul Biya n’avait pas fait la sourde oreille, et l’avait fait savoir dans son premier discours. Cependant, l’homme ne semble pas avoir changé d’option sur cette question. En prenant l’engagement de ramener le calme et la sérénité dans les régions en crise, Paul Biya avait mentionné qu’il le fera «dans le cadre des institutions dont je suis garant». Lui qui avait depuis longtemps tourné la page du dialogue, après avoir décidé d’incarcérer des leaders de la crise déclenchée en novembre 2016. Et parmi eux, des cadres issus des corporations qui avaient lancé les grèves au départ. Et dès l’entame de ses propos, l’élu du jour avait recadré les choses: «des forces négatives ont saisi des revendications corporatives pour mettre en place leur ambition de partition du pays». Du coup, dans sa tunique de chef suprême des armées, Paul Biya appelait les forces armées «ambazonnienes», la branche armée du Southerns Cameroon national council (Scnc), le mouvement sécessionniste qui déstabilise les deux régions, «à déposer des armes et retrouver le droit chemin». En attendant, le sang continue de couler. Abondamment!