Cela est peu connu, mais les tantras de Shiva sont plein de pratiques de yoga, c'est-à-dire de méditations. J'en ai déjà donné maints exemples ici. Ces méditations sont parfois classées selon les niveaux de conscience ou tattvas.
Dans la Nishvâsa-tattva-samhitâ, l'un des plus anciens tantras connus aujourd'hui, on trouve déjà la plupart des grandes pratiques. Par exemplen la méditation sur les cycles du temps, "le jour, la nuit, les semestres, les solstices et équinoxes" (Uttarasûtra V, 4), ainsi que "la même saveur avec Shakti" (shaktisamarasa, id.). En pratiquant ces méditations, ici décrites de manière seulement allusive, on atteint l'union avec Shiva et la "Puissance", à commencer par l'omniscience. Il est aussi question de "contempler le ciel" (âkâshe vîkshamânasya, id, V, 10), dans lequel des formes arrondies apparaissent (kutilâkriti, id., même terme que dans Vijnânabhairava, 154 pour désigner le trajet cyclique du souffle). Les méditations sur le son intérieur (cincinîyaka, id. V, 12) sont courantes, ainsi que sur des formes qui apparaissent dans l'espace. On retrouve le Yoga de l'Homme-ombre, présent dans de nombreux tantras : "Si l'on contemple l'ombre [=le phosphène] dans le ciel, on verra l'Homme (de Lumière). S'exerçant ainsi, on atteindra l'accomplissement et on deviendra Shiva" (id. V, 16, des 'lingas' apparaissent en V, 31). Le Yoga du Temps est bien sûr présent, en lien avec la respiration. Il y a aussi des contemplations qui engendrent des visions lumineuses, mais à partir de lampes ou de joyaux, comme des saphirs (id. V, 26). Des visions pareilles à des flammes se développent (jvalate). Il y a aussi des méditation sur l'alphabet sanskrit.
La méditation sur le souffle temporel est décrite plus en détail en V, 36 et suivants. L'expir est "jour", l'inspir est "nuit". Dans ce tantra, sushumnâ n'est pas le canal central, mais le canal solaire, à droite. Entre deux respirations, on médite sur l'équinoxe. La méditation sur "l'égale saveur de Shakti semble être une méditation sur le son intérieur (V, 39). Shakti désigne ici l'essence de l'énergie divine présente dans le corps. Sans elle, impossible d'initier autrui ni d'atteindre l'accomplissement (V, 41). On médite aussi sur Shiva omniprésent : c'est le yoga ultime (V, 42). On atteint ainsi l'Être (tattva) au-delà du souffle (nishvâsa).