Lettre d'introduction de Grégoire Eloy par Philippe Guionie
" Il y a des photographes qui ont rendez-vous avec leur époque, Grégoire Eloy est de ceux-là. Il n'est pas de celles et ceux qui sont sous les feux de la rampe, chantres d'une photographie spectaculaire et vampirisante. "Être dans le vent, c'est avoir le destin de feuilles mortes ", écrivait l'académicien Jean Guitton. La photographie de Grégoire ne se regarde pas d'un simple regard distrait, elle se mérite. Elle demande l'effort nécessaire à celle et celui qui accepte de prendre le temps de regarder le monde, tel qu'il est dans ses ancrages, ses permanences et ses mutations, visibles ou invisibles, mais toujours révélé par la sensibilité d'une photographie atemporelle aux esthétiques protéiformes.
Grégoire Eloy nous propose une vision, singulière, forte, assumée, porteuse de sens. Cette quête de sens est le fil rouge de son engagement en photographie. Sa vision renouvelée du territoire, des territoires de mémoire, en Europe et Europe de l'Est, aux territoires de sciences, impulse de nouvelles transversalités, réinvente les formes créatives pour nous aider ensemble à mieux appréhender les enjeux de notre monde. Chaque série fait sens en tant que telle mais les unes et les autres associées, dessinent les contours d'une œuvre construite sur le long terme, diverse, cohérente, jamais moralisante toujours sensible. Grégoire Eloy expérimente des esthétiques qui ont toutes en partage une approche métaphorique aux accents élégiaques de notre époque et de ses dramaturgies contemporaines. Chaque photographie est une poétique lyrique aux sonorités multiples. Refusant les postures claniques, l'écriture photographique de Grégoire Eloy est un éloge des croisements, des hybridations, des métissages, aventure intellectuelle et artistique qu'Edouard Glissant a dénommé la " Poétique de la Relation ".
Quand Grégoire Eloy fait dialoguer "photographie et sciences", il participe à ce dialogue nécessaire entre plusieurs acteurs d'une même société, désireux de s'interroger ensemble sur la place de l'Homme dans son environnement et son rôle au sein de sociétés connectées, en mutations constantes et interdépendantes.
Sa pratique immersive de l'acte photographique, de l'infiniment petit à l'infiniment grand, nous emmène dans une redécouverte physique du territoire. Il marche et nous marchons avec lui. L'implication physique de son corps, les chorégraphies réfléchies de ses itinérances scandées par des protocoles photographiques maîtrisés sont autant de marqueurs sensoriels et visuels de notre émotion et la rencontre avec une réalité inattendue et imprévisible.
En Grèce antique, l'élégie n'était pas un genre littéraire, mais une forme d'expression, souvent libre. Je retrouve ce même sentiment de liberté dans l'œuvre de Grégoire Eloy. Sa photographie est porteuse d'une justesse qui nous remplit. Il ne prend rien, il ajoute. Il pose des questions ouvertes et nous l'écoutons. Il nous propose " un monde nouveau " à construire et nous souhaitons désormais y participer avec lui."
Philippe Guionie, mai 2021 Directeur de la Résidence 1+2 "Photographie & Sciences" à Toulouse
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Prix Niépce
Sélection de photographies de Grégoire Eloy